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Bientôt le 7 octobre…

La chronique géopolitique de Richard Prasquier


Bientôt le 7 octobre…
Frappe israëlienne sur Khan Younès, bande de Gaza, 8 septembre 2024 © Saher Alghorra/ZUMA Press Wire/S/SIPA

Alors que la date anniversaire du terrible pogrom perpétré par le Hamas en Israël se rapproche, on laisse en France un islamiste appeler à l’intifada dans les rues de Paris, et les thèses douteuses des livres de Didier Fassin ou d’Aurélien Bellanger rencontrent un certain écho.


En Israël, beaucoup de familles d’otages récusent les cérémonies officielles, d’autant qu’elles ont été confiées à Miri Regev, une des ministres les plus critiquées du gouvernement. La colère gronde contre les autorités, mais il y a un point sur lequel tous, hormis quelques hurluberlus angéliques, sont d’accord: avec le Hamas, une paix réelle n’est pas envisageable. En France la situation sera bien différente. Nous allons commémorer le 7 octobre dans une infinie tristesse. Quelques-uns, très peu – espérons-le sans en être sûrs – vont le commémorer avec enthousiasme… Mais, surtout, un certain nombre préfèreront l’expurger de leur mémoire pour se concentrer sur la suite, dès le 8 octobre, premier jour de la riposte israélienne, premier jour de la réaction antisémite dans le monde, premier jour d’effacement et de substitution victimaire, premier jour de contextualisation et de banalisation de ces massacres du 7 octobre qui ont, eux, un vrai caractère génocidaire. Cette mise à l’écart se déploie sous des formes variées. En voici trois exemples récents.

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LFI et Elias d’Imzalène dans les rues

Dans une manifestation dimanche 8 septembre, un orateur appelle, sur la Place de la Nation à Paris, à une intifada en France. L’intifada, chacun sait ce que cela signifie… M. Elias d’Imzalène, alias El Yess Zarelli, c’est la version en Frère Musulman de ces prédicateurs qui incitaient les chrétiens à massacrer les Juifs à Séville, à Cordoue, à Barcelone ou à Lisbonne… Aussi fiché S qu’il soit, cela fait des années qu’il vocifère et exige pour les musulmans de France l’application de la charia à la place de l’ignoble, impie et islamophobe législation de la République française. Il est apprécié par la Turquie grâce à laquelle il a expliqué au Parlement européen tout le mal qu’il pensait de la France, dont il est citoyen. Bien entendu, il a ses amis à LFI, tels Ersilia Soudais, Thomas Portes ou Rima Hassan. L’homme est un chauffeur de foules islamisées, mais son discours est trop fruste et brutal pour attirer les islamo-gauchistes, c’est-à-dire ces intellectuels qui prétendent que l’islamo-gauchisme n’existe pas.

Aurélien Bellanger et Didier Fassin dans les librairies

Pour eux, en cette veille de commémoration, on publie des livres. Il y a par exemple celui d’Aurélien Bellanger, Les derniers jours du Parti socialiste. Dans ce roman, l’auteur prétend que la notion d’islamo-gauchisme provient d’un complot du mouvement le Printemps Républicain, qui sous couvert de laïcité aurait cherché à détruire le Parti Socialiste au profit de l’extrême droite. L’imbécillité de la thèse et la lourdeur de l’écriture n’ont pas empêché la mise en valeur du livre par les médias dits progressistes. Sa sortie, le jour même de l’attentat contre la synagogue de la grande Motte, a servi de sinistre rappel que les motifs à l’islamismophobie n’étaient pas entièrement fictifs.

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Mais pour les israélophobes de niveau intellectuel plus élevé, il y a aussi le tout nouveau livre de Didier Fassin, professeur au Collège de France. Ce médecin est devenu sociologue car il était sensible aux inégalités en matière d’accès aux soins et d’exposition aux maladies des patients suivant leur origine. Je ne suis pas sûr qu’il ait été le premier à faire ce triste constat, d’ailleurs plutôt moins vrai en France que dans d’autres pays où il a travaillé. C’est aux États-Unis qu’il a surtout enseigné, là où l’histoire de l’esclavage et du racisme anti-noirs a laissé des marques proéminentes. Il en a ramené l’interprétation universitaire à la mode, le wokisme avec intersectionnalité des luttes, un militantisme qui se prétend scientifique. Avec un réel talent pour conceptualiser ces théories et pour dénigrer ceux qui n’y croient pas, il cherche à tenir le rôle d’imperium sur la bonne-pensance soi-disant scientifique qui fut dans le passé celui de ses prédécesseurs marxistes. Il considère qu’une analyse qui ne fait pas de la racialisation et de la césure irrémédiable entre dominants et victimes des déterminants essentiels de l’explication des faits ne peut être que réactionnaire et hypocrite. Les rôles sont assignés et on ne s’étonnera pas de retrouver les toujours colonisés d’un côté et les toujours colonisateurs de l’autre. Pour résumer, la conception de la vérité politique de Didier Fassin, aujourd’hui au sommet du prestige universitaire français, c’est celle du comité Adama.

Pour les événements du 7 octobre, il a bien parlé d’incursion meurtrière et même de crimes de guerre, mais pas plus. Il a récusé le terrorisme mais a insisté pour le contextualiser. Il a été bien plus précis et virulent sur la réaction israélienne, qu’il a très vite qualifiée de génocidaire. Eva Illouz, Bruno Karsenti et plusieurs sociologues qu’on ne peut vraiment pas positionner à l’extrême droite ont vigoureusement démonté ses assertions très approximatives. Il a en particulier comparé les actions des Israéliens envers les Gazaouis à celles des Allemands envers les peuples Hereros du Sud-Ouest africain au début du XXe siècle, un génocide dont le prétexte avait été un massacre de soldats allemands. Joel Kotek, l’un des rares experts de ce génocide, a démoli cette comparaison de façon très convaincante. Le professeur au Collège de France a donc été pris plusieurs fois à bidouiller les faits pour qu’ils agréent à son idéologie, qui est celle d’un tiers-mondiste à sympathies mélenchoniennes, idéologie parfaitement légitime, à condition de ne pas l’affubler d’une prétendue scientificité. 

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Le dernier livre de Didier Fassin vient de sortir. Il s’appelle Une Etrange défaite, titre outrageusement emprunté à Marc Bloch : la défaite en question, qui serait la plus grande défaite morale de l’Occident depuis la guerre mondiale, c’est l’abdication devant le désastre provoqué par Israël à Gaza. Les massacres du 7 octobre sont donc sans importance, la prise d’otages non plus. L’idéologie du Hamas, son passé de meurtres et sa charte exterminatrice, son choix délibéré de prendre la population civile comme bouclier pour diaboliser l’adversaire, tout cela ne compte pas. C’est comme si en 1945, on avait au nom de la morale, lancé l’opprobre sur les Alliés parce qu’ils détruisaient l’Allemagne sans prendre en compte ce qu’était l’ennemi nazi…

Les crimes contre des populations ont été nombreux depuis 1945 et la volonté d’ignorance les a souvent accompagnés. Les cent millions de morts lors du Grand Bond en avant maoïste, le million de victimes du génocide des Tutsi, le génocide des yezidis, les massacres du Darfour, la Tchétchénie, les Rohingyas, le Tibet et les Ouïgours,  les 500 000 morts de Syrie, la liste ne s’arrête pas là…

Le drame que vivent les Gazaouis est réel: il est avant tout dû à la guerre sans merci qu’a choisie de livrer contre Israël le Hamas qui est leur gouvernement. Il faut malheureusement constater que pour Didier Fassin et ses émules, la seule faute morale inexcusable c’est de permettre à l’État d’Israël de se défendre comme il le peut.

Lui qui se voit l’héritier du grand intellectuel que fut Michel Foucault, vient de le rejoindre sur un point au moins, celui de la débilité politique: Foucault avait accueilli avec enthousiasme les Khmers rouges puis l’ayatollah Khomeini…

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est président d'honneur du CRIF.

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