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Biden versus Kissinger

Le vieux loup de la politique et le vieux sage des relations internationales.


Henry Kissinger et Joe Biden divergent sur la guerre en Ukraine. Si le vieux sage des relations internationales prône le réalisme face à la Russie, le président américain campe sur une position belliqueuse. Mais en vieux loup de la politique, il y ajoute une dose d’idéalisme.


Dans les semaines précédant le déclenchement de l’« opération spéciale » russe en Ukraine, les penseurs stratégiques de tous bords ont multiplié les prophéties aussi nombreuses qu’inexactes, avec trois leitmotivs : Poutine bluffe ; il n’a aucun intérêt à provoquer une guerre car il est rationnel ; ou bien Poutine va déferler jusqu’en Moldavie et au-delà. Lorsque l’invasion a commencé, chacun a revisité ses propres hypothèses afin de coller à la réalité : Poutine nous a dit qu’il finirait nécessairement par attaquer l’Ukraine, donc sa victoire est certaine vu sa supériorité militaire ; ou bien il n’ira pas au-delà de l’Ukraine faute de moyens.

Il y a un homme qui ne s’est pas trompé, c’est le vénérable Henry Kissinger ; il s’est gardé de prédire ce que Poutine allait faire, préférant concentrer ses commentaires publics sur la vision historique du président russe. Il a également évité de se prononcer sur l’action du président des États-Unis. De son côté, Joe Biden s’est abstenu de se référer au vieux sage, car il existe une sourde rivalité entre ces deux figures de la politique étrangère américaine. À la veille de la guerre, leurs opinions étaient nettement divergentes : Kissinger prônait la prudence et l’accommodement avec Poutine, alors que Biden prônait la résistance totale à Poutine en Europe de l’Est. Leurs évolutions respectives depuis le 24 février, et leur rapprochement paradoxal, fournissent une clé pour interpréter l’avenir de la politique étrangère américaine.

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Depuis le début de l’invasion russe, Kissinger s’exprime plus fréquemment que jamais dans les médias, écrits et audiovisuels. Son objectif manifeste est de réviser sa doctrine pour la postérité en mettant à jour sa vision géopolitique. Cependant, le vieux sage n’est pas entièrement cohérent : si sa bienveillance envers le maître du Kremlin était évidente avant l’invasion, son désaveu depuis est ambigu, formulé dans des termes alambiqués. En revanche, Joe Biden semble avoir adopté une position nettement belliqueuse et moralisatrice : la démocratie et le droit international doivent être défendus et Poutine est un tueur barbare. C’est comme si Biden voulait gommer son image de faible après ses déboires en Afghanistan. En réalité, l’action de Joe Biden


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Harold Hyman est franco-américain, élevé à New York, ancien du « Lycée » français de New York, diplômé de Columbia University et l’Université de Montréal. Il s’installe définitivement à Paris en 1988. Journaliste à Reader’s Digest, puis RFI, Radio Classique, BFMTV, actuellement CNEWS. Il a couvert l’Extrême-Orient, les États-Unis et le Moyen-Orient. Auteur de Géopolitiquement correct & incorrect (éditions Tallandier, 2014) puis de États-Unis: Tribus américaines (éditions Nevicata).

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