Bernard-Henri Lévy a déclaré, hier, sur Europe 1 lors du Grand rendez-vous du dimanche qu’il n’y avait pas de crise migratoire comme le prouverait le solde migratoire nul de l’UE.
Verbatim :
Il n’y a pas de crise des migrants. Le solde migratoire, comme disent les démographes ou les économistes est nul. C’est-à-dire que la balance entre les gens qui quittent l’Europe et les gens qui y rentrent est à peu près à zéro.
Puisque Bernard-Henri Lévy a cru bon de donner son avis sur le solde migratoire européen, nous n’avons pas d’autre choix que de vérifier si ce solde est bel et bien nul. Pour ce faire, il faut consulter les données d’Eurostat dont la qualité dépend du soin avec lequel chaque institut national élabore les tableaux à sa demande.[tooltips content= »Lors d’une réunion au Conseil national de l’information statistique (Cnis) le 9 novembre 2012, Fabrice Lenglart, à qui je demandais pourquoi l’Insee fournissait à Eurostat des données peu fiables sur les flux migratoires de Français et d’étrangers au risque de mettre en danger la réputation de l’Insee, m’avait répondu que l’institut considère que sa réputation souffrirait plus encore s’il ne fournissait pas ces données à Eurostat, même si elles sont de mauvaise qualité. L’Insee avertirait Eurostat de la mauvaise qualité de ces données. Fabrice Lenglart a ajouté que la France n’était pas, loin de là, le plus mauvais contributeur à Eurostat. »]1[/tooltips]
Le solde migratoire n’est pas un outil satisfaisant
Eurostat publie les données fournies par les États sur l’immigration et l’émigration et sur la différence entre les deux : le solde migratoire, auquel il ajoute un ajustement lorsqu’il y en a un. Un ajustement, qui peut être positif ou négatif, est introduit lorsque la collecte statistique est jugée insatisfaisante. Par exemple, l’Insee a introduit un ajustement de 1990 à 2005 pour corriger les données du recensement de 1999, jugées de mauvaise qualité. C’est une opération purement comptable qui a permis de faire apparaître un solde migratoire non nul entre 1990 et 1999.
De toute façon, le solde migratoire est un très mauvais outil pour évaluer l’immigration étrangère puisqu’il fait la moyenne entre un solde migratoire des natifs, souvent négatif dans les pays européens, et un solde migratoire des nés à l’étranger qui est souvent positif. C’est le cas de la France notamment.
Une tout autre vérité…
Un coup d’oeil au tableau ci-dessous suffit pour se convaincre que Bernard-Henri Lévy a tout simplement bluffé les trois journalistes qui l’interviewaient et qui n’y ont vu que du feu :
Solde migratoire (ajustement compris) dans l’Union européenne et quelques pays lui appartenant (2008-2016)[tooltips content= »Les chiffres de 2015 et 2016 pour la France ne sont pas définitifs. Ils résultent de l’exploitation des enquêtes annuelles de recensement. Le premier sera défintif cette année et le second en 2019. Le chiffre de 2016 pour l’Allemagne est lui aussi provisoire. « ]2[/tooltips]
Mais, le solde migratoire est un piètre indicateur de l’immigration étrangère. Une autre façon de se faire une idée de l’évolution récente consiste à examiner le taux d’accroissement de la population née sur place et de celle née à l’étranger. Le graphique ci-dessous donne à voir le taux d’accroissement de la population totale, de celle née dans le pays, de celle née à l’étranger (y compris dans un autre pays de l’UE) et de celle née en dehors de l’UE. Lorsque le pays de naissance est inconnu, situation qui touche particulièrement l’Allemagne (9‰ en 2013), j’ai supposé qu’il était un pays étranger et plus spécifiquement un pays hors de l’UE28. Ce choix a tendance à freiner très légèrement la croissance de la population née à l’étranger (ou dans un pays hors de l’UE) en raison de la diminution progressive du nombre de cas où le pays de naissance n’est pas renseigné.
La population née à l’étranger ne varie que sous l’effet de la mortalité, des entrées et des sorties (qui composent le solde migratoire). Manifestement, on est loin d’une situation qui pourrait correspondre à un solde migratoire nul.
C’est particulièrement vrai pour l’Allemagne où la population née à l’étranger a augmenté de 10% en seulement une année (2016) alors que la population des natifs diminuait d’un peu plus d’1% (graphique ci-dessous).
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