Arthur s’est indigné à juste titre. Oser comparer le passe sanitaire avec la Shoah est une ignominie.
Mais c’est aussi de la bêtise mêlant l’ignorance de l’histoire, la pauvreté des mots et le délire des pulsions dans un incoercible mouvement.
Après l’intervention à la fois sanitaire et politique du président de la République le 12 juillet, un large consensus l’a approuvé en ce qui concerne l’obligation de la vaccination pour le personnel soignant et l’extension du passe sanitaire. Les récalcitrants comprennent qu’ils n’auront pas d’autre choix pour vivre agréablement comme les vaccinés, que de se soumettre pour la sauvegarde de tous. Mais on a entendu aussi des délires et d’insupportables outrances, accusations.
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On sait que les prescriptions générales du président imposaient que l’intendance suive. Cela n’a pas été le cas et un certain désordre, des variations, des retraits, des contradictions, sont apparus pour troubler le verbe présidentiel. Il n’était pas interdit non plus de considérer que, conformément à l’avis d’experts sérieux et pour une fois accordés, cette manière forte du pouvoir aurait dû être mise en œuvre au moins un mois plus tôt afin notamment de permettre à tous les établissements, catégories et professionnels concernés par les injonctions ainsi que par l’obligation du vaccin, de s’y soumettre sans cette précipitation. Ce sont des critiques qui n’affectent pas le cœur du dispositif dont l’efficacité a été formidablement démontrée par l’afflux de rendez-vous pour la vaccination. À l’évidence, priver d’activités diverses, plaisantes, culturelles, conviviales, les opposants au vaccin était la meilleure des solutions.
Mais face à ces argumentations qui s’acceptent, que de bêtises et en effet d’ignominies ! Parler de dictature sanitaire, oser des comparaisons indécentes, feindre d’oublier que les contraintes relèvent de l’intérêt général, nous entraînent sur des chemins aberrants, désespérants. Comme si on n’était pas capable dans notre pays de reléguer des arbitrages en l’occurrence vains et superfétatoires au nom de la seule exigence qui vaille, la santé de tous, pour retrouver le plus vite possible la normalité douce et active de la vie. La France semble condamnée à perpétuité à son lot d’irréductibles ne comprenant rien à rien, constituant leur ignorance et leurs soupçons en vérité révélée ; sommes-nous voués à demeurer en péril à cause de l’absolutisme sot d’une minorité ?
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Comparer le passe sanitaire avec la Shoah était le comble de l’odieux, mais il y a mille degrés inférieurs qui autorisent les complotistes, les péremptoires, les frénétiques du préjugé, les amateurs arrogants, à s’ébattre dans le champ illimité de la crise sanitaire et de ses développements surprenants. Il n’empêche que mon inquiétude fondamentale est de voir, malgré la majorité de citoyens approuvant la politique sanitaire du gouvernement, le pays entrer encore plus en tension au point de se déchirer entre les légitimistes et une minorité ayant déjà commencé à manifester contre « la dictature sanitaire » si mal nommée.
La tragédie, c’est que la bêtise ou l’ignominie sont des blocs qu’on ne peut remettre sur le droit chemin. Il paraît qu’il faut convaincre et non contraindre. Mais quand on a usé longtemps, trop longtemps, de la carotte, le bâton est-il encore crédible ?