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Bethlehem sans enfants du Bon Dieu


Bethlehem sans enfants du Bon Dieu

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Si votre religion est faite sur les causes et les responsabilités dans l’interminable conflit israélo-palestinien, et qu’il vous serait pénible, voire insupportable, de voir vaciller vos convictions, n’allez pas voir Bethlehem, le film écrit et réalisé par Yuval Adler, avec la collaboration, pour le scénario, du journaliste arabe israélien Ali Waked.

Bethlehem, localité palestinienne à un jet de pierre de Jérusalem, sert de titre et de décor à un film haletant, centré sur les rapports intenses, complexes et ambigus entre Razi, un agent du Shabak, la sécurité militaire israélienne, et son informateur Sanfur, un adolescent palestinien entraîné malgré lui dans le cycle tragique de la terreur et  de la contre-terreur pendant la seconde Intifada.

Sanfur, en arabe, est la dénomination des Schtroumpfs, les petits hommes bleus créés par le dessinateur belge Peyo, un sobriquet qui le place dans le monde incertain entre l’enfance et l’âge adulte. En temps de paix, il occuperait tranquillement la place assignée à l’espiègle benjamin des familles nombreuses,  couvé par ses parents et choyé par ses aînés.

Il a été recruté par les services israéliens, car son frère est l’un des dirigeant de la brigade des martyrs d’Al-Aqsa, la branche du Fatah en charge de perpétrer des attentats suicides en Israël. Ce n’est pourtant pas un traître ordinaire, agissant par vengeance ou par vénalité. On apprendra, au cours du film, la raison de son entrée en collaboration avec l’ennemi sioniste, élément supplémentaire de la tragédie, que l’on s’en voudrait de révéler au futur spectateur, pour ne pas gâcher le suspens. Razi, son agent traitant depuis plus de deux ans, a fini par entretenir des rapports quasi-paternels avec lui, au grand dam de son chef qui le met en garde contre l’irruption des sentiments dans le travail : «  Quand une pute commence à jouir, il y a quelque chose qui cloche !», s’inquiète le chef, quand il se rend compte que, pour Razi, Sanfur n’est pas seulement « Esaü» nom de code de l’informateur dans l’ordinateur du Shabak, que l’on exploite sans états d’âmes.

Pour liquider Ibrahim, le frère de Sanfur organisateur d’un attentat suicide meurtrier à Jérusalem,  on met en marche la machine antiterroriste israélienne, implacable et sophistiquée, dont Razi est un rouage essentiel. En face, se trouve le nœud de vipère de la « résistance », où s’affrontent les dirigeants corrompus de l’Autorité palestinienne, les combattants de l’ombre du Fatah, et ceux du Hamas, personne ne faisant de cadeaux à personne, et allant même jusqu’à se disputer la dépouille du « martyr » pour l’annexer à son récit patriotique. C’est cette vision réaliste des opprimés officiels, fondée sur la parfaite connaissance du journaliste Ali Waked des arcanes de la société palestinienne, qui a provoqué une réaction de rejet de ce film par la quasi-totalité de la critique française, à la notable exception d’un journaliste du Monde, Frank Nouchi, dont le compte rendu plutôt élogieux du film fut immédiatement contredit par son collègue Jacques Mandelbaum, ce dernier estimant «  outrageusement négative » la vision donnée par Adler et Waked des acteurs palestiniens de la lutte armée contre Israël. Mandelbaum, qui ne passe pas pour un expert de ce conflit, appuie son exécution du film sur des considérations esthétiques (c’est, selon lui, de la mauvaise télé), pour inciter le public à la bouder. Voilà comment on maquille un parti-pris idéologique en critique prétendument objective.

Ne vous laissez pas leurrer par la cabale des dévots parisiens ! Bethlehem est un film époustouflant, dont personne ne ressort indemne, ni les Israéliens, ni les Palestiniens, ni les spectateurs.



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