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Bertrand Burgalat, les mélodies du bonheur

"Rêve capital", le nouveau disque de Bertrand Burgalat


Son dernier album, Rêve capital est une invitation à la fois charnelle et abstraite aux joies de l’été.


Musicien, compositeur, interprète, producteur, patron de label, chroniqueur chez Rock&Folk, président du SNEP (Syndicat National de l’Édition Phonographique) et même fondateur de l’association Diabète et méchant qu’il évoque avec une pudeur presbytérienne, Bertrand Burgalat s’est imposé comme une personnalité dans le petit monde de la pop française.

Un artiste qui compte, toujours là, sans l’être trop. Alors que la pandémie nous avait éloignés les uns des autres, enfermés même, il en a profité pour mettre un nouvel album en boîte qu’il a décidé d’appeler, non sans ironie, Rêve Capital. Est-ce la part du rêve qui nous reste quand on nous prend l’essentiel, la liberté ? Est-ce une méditation sur le nouveau monde des insiders et le néolibéralisme ? Peu importe au fond.

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Disons-le d’emblée, à travers ses 15 chansons, Burgalat rompt avec la spirale du défaitisme, de l’effondrement, du déclin. Son album est un hymne à la joie ! Un vaccin contre tous ces maux, et croyez-le, vous l’accepterez ! Tout commence d’abord par un message bienveillant : « Flash ». Au début on pense logiquement au jingle d’une émission radio (« flash radio » entonne-t-il) puis on se prend à imaginer Burgalat en stewart. Comme s’il nous préparait au décollage, à l’envol !  « Retrouvailles » qui lui emboîte le pas, porte bien son nom. On avait laissé le compositeur en 2017 avec « Les choses qu’on ne peut dire à personne ». Cinq ans avant, c’était « Toutes directions ». Burgalat est un artiste rare et comme toute chose rare, il nous est précieux.  « Plus le temps nous sépare, plus il nous rapproche » a-t-il raison de préciser. Mais c’est avec « Du haut du 33ème étage » que sa musique prend tout son sens.

Prométhéen et fragile

Rêve Capital est l’anti-Blade Runner. Et Blade Runner, c’est plusieurs éléments caractéristiques : une ville tentaculaire, plongée dans l’obscurité permanente et nacrée d’une mousson perpétuelle. Des robots, les replicants, êtres de câbles et de sang voués à la mort, se prenant logiquement pour des humains. Enfin, le film propose une réflexion profonde sur l’existence au travers de la mémoire. Ici, les replicants ne sont pas des coquilles vides mais des créatures emplies de souvenirs. Rêve Capital c’est tout cela mais à l’envers. De la ville il est question dans plusieurs chansons, pardonnez-moi, hautement symboliques : « Parallèles », « Du haut du 33ème étage », « Vous êtes ici » ou encore « Spectacle du monde ».

Dans la seconde des chansons citées, Burgalat, tel un personnage prométhéen fragile, annonce « Du haut du 33e étage je me suis précipité » et sa voix de se transformer de manière saisissante – transe-humanisme quand tu nous tiens – en un son crissant, métallique, robotique. Merci à Yuksek, le producteur électro bien connu, ici aux manettes. Vous l’aurez compris, le robotisme de Ridley Scott se mue en synthétisme chez Burgalat. Constante esthétique depuis son tout premier album, The Sssound of Mmmusic. Cependant, la vision de Burgalat procède de l’optimisme, de l’insouciance. Quand la musique se veut sérieuse (« Spectacle du monde », « La chanson européenne » où il est question de « terrasses badigeonnées de sang », « Vous êtes ici » qui en jouant l’ubiquité, le clonage, rappelle La possibilité d’une île de Houellebecq), elle retrouve bien vite sa lumière, celle qui rase les toits des buildings avant d’aller se coucher. Les synthés du musicien producteur sont liquides, onctueux, de miel. Ainsi en est-il de la chanson « L’attente » glissant dans un langoureux ralenti mélodique. Mieux, ils ne font jamais la nique à une instrumentation plus classiquement pop, cordes et cuivres dehors, déconfinés ! Dans « Retrouvailles », Les demoiselles de Rochefort semblent retrouver Giorgio Moroder. Loin de la nuit Blade Runnerienne, l’auditeur nage dans un bonheur solaire, limpide. Enfin, nous l’avons dit, il y a aussi l’idée de mémoire. Sujet ô combien inflammable qui, dans les mains de Bertrand Burgalat et sous les plumes si poétiques de Blandine Rinkel, Pierre Jouan, Yatta-Noël Yansané ou Laurent Chalumeau, renoue avec l’essentiel : les souvenirs chipés dans le coffre de l’enfance, des impressions lointaines, ces images légères, merveilleusement résumées dans « Sans accolades ».

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L’onirisme de Blade Runner

L’homme idéal n’est ni un Replicant ni le Blade-Runner qui le poursuit mais bien le chanteur. Dans ses multiples incarnations et autres téléportations. Dans une église (« La chanson européenne »), un TGV lancé à pleine vitesse (« È Pericolo Sporgersi »), sur Google Earth (« Vous êtes ici »). À la façon d’un GPS monocorde, mélancolique, la voix nous guide d’une scène à l’autre, dans l’espace et le temps. On pense à la fin hors ton de Blade Runner où Rachel et Rick Deckard s’enfuient au volant d’une voiture, en plein jour. Tout cela est dans Rêve capital. « J’ai adoré cette journée » chante Bertrand Burgalat dans ce disque complexe et direct, moderne et ancien, presque humanoïde. Une invitation charnelle et abstraite, onirique et tactile, à retrouver le plaisir très sensoriel d’un été sur une plage méditerranéenne ou d’une Conf’ Call sur un rooftop, entre Paris 13 et, pourquoi pas un jour prochain, Bangkok.  

Rêve capital de Bertrand Burgalat (1 CD ou un double vinyle Tricatel)

Rêve Capital

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