À l’heure où les départements attendent le jugement dernier. Immolés sur l’autel de la compétitivité et de la folie des grandeurs. Prendre la défense de nos provinces relève d’un acte de résistance, nécessaire à la survie de notre Nation. Futile et réactionnaire diront ceux qui ont vendu leur âme au monde sans règles et sans frontières. Mais, face au découpage de notre territoire en régions absurdes aux mains d’insipides potentats locaux, je m’enorgueillis de vanter, une fois de plus, les trésors du Berry, en particulier les grandes heures du Cher Nord. Ma cartographie intime autrement plus vibrante qu’un conglomérat admistrativo-défaillant. Que nos amis de l’Indre se rassurent, cette préférence n’enlève rien aux splendeurs de la Brenne ou à l’ensorcellement diabolique du Boischaut.
Cet été encore, les médias, à l’exception de Causeur, ignoreront superbement les richesses qui se trouvent à deux cents kilomètres de Paris, de la Route Jacques Cœur aux coteaux du Sancerrois. Nous avons fini par nous habituer à cet ostracisme-là, nous les bannis de la République. Comme je l’ai déjà écrit, le berrichon n’aime pas faire de la retape. Il est très mauvais vendeur. Il laisse le temps décider pour lui, même s’il doit en mourir. Le berrichon va jusqu’à se féliciter que les touristes désertent en masse son coin de verdure, que ces corniauds aillent se dorer la couenne ailleurs. Le berrichon est comme ça, fataliste et bourru, réservé et provocateur. Et pourtant que la campagne berrichonne, sous le soleil de juillet et d’août, est belle. Elle sent le pain d’épices. On dirait qu’elle a fait un pacte avec le silence. Les paysages semblent somnoler alors que la nature gronde. Il suffit de s’arrêter sur le bas-côté, d’emprunter un chemin, de longer un bois pour entendre ce foisonnement intérieur. L’or des blés coupés illumine cet eldorado rural. La chaleur s’abat sur les champs en pleine journée et fige le décor dans sa vérité nue.
Vous entrez alors dans ce Berry secret par une de ces innombrables départementales, artères vitales qui irriguent des centaines de communes, et vous êtes happé par ce monde parallèle. Votre œil ne subit plus aucune agression. Il s’accommode de légers vallonnements, de ce nuancier qui court du vert pâle à l’ocre. Un clocher à l’horizon retient votre rétine. Une ferme prend son aise, étire ses granges, avoue sa prospérité. Dans un précédent article, j’avais évoqué les rues pavées du Vieux Bourges, propices aux baisers volés et les hauteurs de la Cathédrale Saint-Etienne, vigie des Marais, gardienne des jardins de l’archevêché. Selon moi, la Capitale du Berry exhale son charme provincial à l’automne. Un jour, près de la Place Georges Sand, sous une pluie fine d’octobre, j’ai vu ou cru voir la silhouette de Fanny Ardant. Elle me souriait.
L’été, je vous conseille d’autres contrées plus sauvages. Comme le Château de Pesselières à Jalognes (près de Sancerre) et son parc romantique. Le travail de restauration de la bâtisse, la présence d’un labyrinthe en charmille, la création d’un potager millimétré, et cet espace immense, cet appel de la forêt, ces réminiscences du Grand Meaulnes. Vous êtes libre de fouler les hautes herbes, de vous perdre sous cette tonnelle de buis tricentenaires. L’esprit de Pesselières ne vous quittera plus. Au cœur de l’hiver, dans la brume des villes, vous vous souviendrez de ces allées d’ombres et de lumières. Pour ceux que la nature déprime, je vous propose une autre visite, industrielle celle-ci, au Musée Rétromécanique de Vailly-sur-Sauldre, à quelques kilomètres de là, dans le Pays fort. Nos campagnes, jadis, employaient des milliers d’ouvriers : Facel Vega dans l’Eure-et-Loir, Vespa ACMA à Fourchambault (Nièvre) ou encore plusieurs marques de tracteurs « made in Vierzon », capitale du machinisme agricole français d’antan.
Vous serez accueilli dans ce musée par un homme au savoir livresque, qui convoque dans sa conversation, l’Aga Khan, Maurice Thorez, Pierre Daninos ou Charles Pozzi. Cet homme-là qui porte le bleu comme d’autres le costume en seconde peau sait tout sur les moyens de locomotion. Des carrossiers d’avant-guerre aux populaires d’après-guerre, il vous fait voyager dans le temps. Que ce soit Berry côté jardin ou Berry côté garage, cette province réserve bien d’autres surprises. Venez pas trop nombreux quand même !
*Sipa: APESTEGUY/SIPA.SIPAUSA30051288_000029
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