Pour imaginer la société de demain, il suffit d’exagérer – à peine – les travers de celle d’aujourd’hui. C’est ce que fait Benoît Duteurtre dans son nouveau roman dont le titre est un mot d’ordre : Dénoncez-vous les uns les autres. Propos recueillis par Jonathan Siksou.
Avec cette sotie (farce de caractère satirique, allégorie de la société du temps), Benoît Duteurtre nous amuse et nous inquiète. Le monde qu’il décrit n’est pas encore le nôtre mais nous nous en approchons dangereusement. Une jeune fille prénommée Robert – sa mère lutte contre les préjugés sexistes – aime Barack, un garçon de son âge ainsi baptisé car son père idolâtre un ex-président américain. Cet ancien responsable culturel municipal, répondant au prénom de Mao, se plie sans broncher aux contraintes qui régissent la vie de chacun : les amateurs de viande doivent abattre eux-mêmes les animaux qu’ils veulent manger, les ordures doivent être triées dans des sacs transparents sous peine de poursuites pour écocide… Et tout déviant a l’obligation de se livrer à une confession publique. Accusé – anonymement – d’agression sexuelle, Mao va voir son passé décortiqué par la redoutable brigade rétroactive. Heureusement qu’un vieux dandy, le monde d’avant, peut encore faire entendre sa voix.
Causeur. Allons-nous passer de la société du spectacle à celle de la dénonciation ?
