Jean-Luc Mélenchon suscite la polémique en attaquant Benjamin Haddad, ministre des Affaires européennes. Mais, rien ne permet d’affirmer que Mélenchon critique Haddad parce qu’il est juif.
Asseyez-vous, car je vais défendre notre général Tapioca national.
Dimanche, le site du JDD publie un article intitulé: « Ce ministre est… juif» : polémique après une déclaration de Jean-Luc Mélenchon sur le ministre Haddad. Je me dis alors que si Mélenchon en est à dénoncer des juifs, il a franchi un cran.
Dire de quelqu’un qu’il défend la politique de Netanyahou n’est pas infamant
A Mende (48), samedi, il s’est en effet déchaîné contre Benjamin Haddad : « Il est acquis à la politique de Netanyahu. Si l’Europe décidait de ne plus livrer d’armes européennes, la guerre s’arrêterait. » Étonnamment, Gérard Araud, diplomate, ancien ambassadeur aux Etats-Unis et en Israël, qui n’est pas du tout un défenseur inconditionnel d’Israël, dégaine un tweet assez virulent : « Pour dire clairement ce que vous sous-entendez, ce ministre est… juif. C’est indigne. »
Ce message a déclenché une salve nourrie des Insoumis et crypto-insoumis. Mélenchon ironise sur « l’escroquerie médiatique permanente « Mélenchon a dit » ce qu’il n’a pas dit ».
Désolée, ils ont raison. Mélenchon n’a pas parlé de juifs dans son discours. Et dans la macronie, Benjamin Haddad est certainement celui qui soutient le plus le droit d’Israël à se défendre. À raison, à mon avis, et il est d’ailleurs regrettable que le président Macron ne le fasse pas aussi et que ce ne soit pas la position française. Alors, Benjamin Haddad est sans doute moins acquis à Netanyahou que Mélenchon à Chavez et Maduro, peut-être que cet «acquis à» dans le discours du leader des Insoumis est exagéré, mais ce n’est ni faux ni infâmant.
Mais les Insoumis usent d’un double langage, me dira-t-on
Certes, quand M. Mélenchon parle des « petits fours du CRIF », l’allusion est transparente. Quand il trouve l’antisémitisme « résiduel », a minima il montre clairement qu’il s’en fiche. De plus, la ligne des Insoumis confère depuis plusieurs années une sorte de légitimité politique à l’antisémitisme des banlieues.
Pour autant, rien ne permet d’affirmer que M. Mélenchon critique M. Haddad parce qu’il est juif. Peut-être est-ce vrai, mais le doute doit profiter à l’accusé. Les Insoumis sont eux-mêmes experts en manipulations des propos de leurs adversaires et en calomnies ; ils accusent tous leurs adversaires de racisme et d’islamophobie sans jamais étayer leur propos. Dans le registre grotesque, le député Antoine Léaument vient de voir dans la veste Helly Hansen (siglée HH) de Julien Odoul (RN) le message caché « Heil Hitler »… Bref, les Insoumis passent leur temps à se battre en-dessous de la ceinture. Et ça marche, puisque des gens croient que CNews est raciste, et X ou Y fachos. Mais ce n’est pas une raison pour faire comme eux. Jean-Luc Mélenchon profère assez d’insanités politiques, attaquons ce qu’il dit plutôt que ce qu’il ne dit pas. Le débat public ne peut pas se réduire à la police des arrière-pensées.
Je persiste à croire que, dans le combat idéologique, les vainqueurs sont ceux qui se battent à la loyale.
Cette chronique a été diffusée sur Sud Radio
Retrouvez Elisabeth Lévy au micro de Jean-Jacques Bourdin dans la matinale