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“Benedetta”, le pseudo-scandale de Cannes

Une transgression ringarde


“Benedetta”, le pseudo-scandale de Cannes
Virgine Efira, Paul Verhoeven et Daphné Patakia au Festival de Cannes, 10 juillet 2021 © Brynn Anderson/AP/SIPA Numéro de reportage : AP22584944_000076

Présenté en compétition au Festival de Cannes, Benedetta, le nouveau film de Paul Verhoeven, metteur en scène très talentueux[1], sort sur nos écrans accompagné d’un parfum de scandale et de provocation comme Basic Instinct ou Showgirls.


Bien à tort, car le film n’a en réalité rien de bien choquant ni de tellement révolutionnaire. Servi par des comédiens pour la plupart excellents: Virginie Efira, Charlotte Rampling, Olivier Rabourdin, Daphné Patakia, Louise Chevillotte, la superbe photographie éclairée à la bougie de Jeanne Lapoirie et les beaux chants de Hildegarde Von Bingen, le film est porté par une ampleur et une flamboyance certaine.

On frôle parfois le ridicule

Malheureusement, le XVIIème siècle de Paul Verhoeven a des allures trop médiévales et sa mise en scène frôle parfois le ridicule, particulièrement dans les scènes de visions de sœur Benedetta, ou lorsque cette dernière parle avec une voix d’homme censée être celle du Christ, admonestant les sœurs, les hommes d’églises, le peuple…

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Benedatta est l’histoire d’une mystificatrice, d’une menteuse avide de pouvoir qui se sert de la religion pour imposer son autorité et ses désirs. Adapté du livre de l’historienne Judith C. Brown, Sœur Benedetta, entre sainte et lesbienne, qui relate le procès d’une religieuse accusée d’avoir des relations sexuelles avec une novice et menacée du bûcher, le film de Paul Verhoeven dresse le portrait de Benedetta Carlini (Virginie Efira), une jeune fille de la noblesse toscane entrée au couvent des Théatines à Pescia à l’âge de neuf ans. Elle affirme avoir reçu les stigmates et être l’épouse quasi-concrète du Christ.

Pas le film bêtement féministe que l’on pense

Grande manipulatrice, elle assouvit avec intelligence et audace sa soif de pouvoir et ses désirs sexuels. Seule sœur Christina (Louise Chevillotte), clairvoyante, comprend que Benedetta ment à toutes et tous et la dénonce aux autorités ecclésiastiques. Poussée dans ses retranchements par les sœurs et leur Abbesse, sœur Félicita (Charlotte Rampling) ainsi que par le Prévôt (Olivier Rabourdin) et les prêtes de Pescia désireux de bénéficier de l’aura des faux miracles, elle se suicide en se jetant du toit du couvent.

Benedetta n’est absolument pas un film féministe – contrairement aux propos écrits ou dits çà et là – mais une œuvre de cinéaste qui filme des fantasmes masculins classiques, aimant et désirant les femmes, leurs esprits et leurs corps. Désireux de choquer (on ne sait plus trop qui), le cinéaste rajoute un élément absent du livre et des événements réels, l’emploi d’une statue de la Vierge Marie dont le pied est sculpté par la novice Bartolomea (Daphné Patakia) pour en faire un godemichet ! Il ridiculise l’Église catholique en caricaturant ses représentants, en particulier le Nonce apostolique, venu de la ville de Florence, ravagée par la peste, interprété par un Lambert Wilson monolithique. 

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Verhoeven croit plus au cinéma qu’au Christ

Enfiévrée, emportée, lyrique, percluse dans sa chair cinématographique par des bubons grotesques, la mise en scène de Paul Verhoeven raconte une histoire de schizophrénie, d’hystérie et de pouvoir, d’affrontement entre femmes pour le posséder au détriment de l’amour véritable pour les humains et pour le Christ. 

La croyance en la force du cinéma est très présente dans toute l’œuvre de Paul Verhoeven. Il y a des éclats de beauté visuelle et cinématographique envoûtants dans Benedetta. Mais les questions de la vérité historique des faits racontés et de la croyance religieuse, de la foi dans le Christ sont problématiques voir absentes dans ce film.

Benedetta un film de Paul Verhoeven 2021 – 2h06. En salles depuis 9 juillet.


[1] Auteur des excellents La Chair et le sang, RoboCop, Total Recall, Starship Troopers et d’un chef-d’œuvre – Black Book – qui conte le parcours d’une jeune femme juive qui devient espionne pour le compte de la résistance néerlandaise à la fin de la seconde Guerre Mondiale.




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est directeur de cinéma.

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