Ils sont monarchistes, bonapartistes, maurrassiens et même « machiavélo-hobbesiens ». Ils idolâtrent Poutine et Donald Trump à qui ils passent tout. Ils se réclament de la bonne vieille autorité gaulliste ou de la ruse sanglante mitterrandienne avec passage à tabac et exécutions sommaires s’il le faut. Ils n’ont rien contre les tueurs d’Etat et expliquent à longueurs d’articles, de posts, de commentaires pourquoi la reapolitik doit toujours l’emporter sur la morale de « bisounours » (leur bête noire). Et lorsqu’un gorille de l’Elysée se prend un instant pour un flic et fout deux claques à un gauchiste agressif qu’ils auraient rêvé, eux, de rouer de coups, voilà qu’ils ont des pudeurs de gazelle.
Branle-bas de combat. C’est la République qu’on assassine ! Les Grands Principes que l’on foule aux pieds ! Les milices qui surgissent de partout comme dans Brazil et 1984 qui commence ! La Nuit de cristal tous les soirs !
Les dieux ont soif
Ils réclament des auditions, des jugements, des sanctions, des destitutions, des exécutions. La guillotine est remontée dans les locaux du Monde et une meute de bourreaux improvisés, provenant des réseaux sociaux, se presse aux grillages de l’Elysée. Les tricoteuses s’enivrent des révélations du « dossier » (« Le mec avait ses entrées au Château ! – Nooon ? – Siiii, et même qu’il allait dans la salle à manger ! – Naaaan ?? – Et aux cuisines. – Dingue ! – Parfois même, il passait par le hall. – Super grave !!! – On l’aurait même vu dans la salle de sport. – Punaise, pire que Sodome et Gomorrhe !! ») A la moindre contradiction des auditionnés (« – Non, pas la salle de sport, car s’il était passé par la salle de sport, il serait passé par les chiottes, et il n’est pas allé aux chiottes. La dame pipi est formelle. – Elle ment, elle a été soudoyée elle aussi ! – Non. – Si ! Il faut la faire passer à la Question à son tour ! La vérité ! LA VÉRITÉ !!! »), ils hurlent que c’est la preuve de la preuve de la preuve de la preuve !
La grande réconciliation
Le plus drôle, c’est que les adversaires d’hier se tombent dans les bras les uns les autres. La social-démocrate avec l’ultranationaliste. L’ex-bonapartiste avec le soi-disant libertaire. Le lecteur de Libé fumeur de joints avec le tradi’ Civitas. La plupart d’entre eux jouaient aux anti-modernes de choc mais se révèlent dans cette affaire les post-modernes les plus en pointe de l’époque, tous au service de la vigilance citoyenne, transparente et implacable. Et bientôt, Le Monde et Valeurs actuelles s’échangent leurs titres. Notre jeune et beau roi Macron fait l’unanimité contre lui pour une affaire de cape d’invisibilité. Pour une fois qu’on a quelque chose contre lui, on ne va rien lâcher. Son seul tort aura été de croire qu’il pouvait, seul, être le maître de la post-modernité. Mais la post-modernité, comme la Révolution, dévore ses enfants…
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