La traque réussie, suivie de l’exécution sommaire d’Oussama Ben Laden, puis la gestion médiatique et politique de ce considérable événement par la Maison Blanche est indubitablement un beau succès pour Barack Obama et ses proches conseillers.
Constatons, pour nous en réjouir, que rien n’a filtré des prémisses de cette opération avant qu’elle soit menée à bien, et qu’elle a pu ainsi se réaliser sans être parasitée par des chasseurs de scoops intempestifs.
Cela dit, on devrait voir surgir, dans les prochaines semaines, des révélations concernant l’organisation militaire et politique de cette « exécution ciblée » qui réjouit aujourd’hui le peuple des Etats-Unis rassemblé autour de son président.
La présence de Ben Laden et de son entourage dans la ville d’Abbottabad, située à une centaine de kilomètres au nord d’Islamabad, semble avoir été décelée par les services spéciaux américains dès le mois d’août. On le croyait, jusque-là, retranché dans les « zones tribales » pakistanaises à la frontière de l’Afghanistan.
Il est fort probable que le chef d’Al Qaida ait bénéficié, ces dernières années de la tolérance, sinon de la protection, d’une partie au moins de l’appareil sécuritaire Pakistanais : la ville où il était réfugié abrite une garnison importante de l’armée et même une académie militaire.
Il est non moins probable que sa découverte par les services de sécurité des Etats-Unis soit le résultat d’un marchandage serré avec leurs homologues pakistanais. Le prix de cette livraison n’a pas, bien entendu, été porté à la connaissance du grand public.
Mais il doit être bien supérieur aux cinq millions de dollars affichés en bas du portrait de Ben Laden comme récompense à celui qui permettrait la capture du commanditaire des attentats du 11 septembre 2001. Les Etats-Unis, ont, ces derniers mois, consenti une aide économique exceptionnelle au Pakistan dont l’économie est en faillite chronique. Ils ont réfréné les ardeurs indiennes à occuper le terrain afghan par le biais d’une présence économique dont l’ampleur allait croissant.
Mais, au bout du compte, même si cette capture avait coûté quelques milliards de dollars, le bénéfice stratégique et politique qu’en retire Barack Obama vaut largement la dépense.
Tout d’abord, cela lui permet d’accélérer la sortie des troupes de l’OTAN d’Afghanistan, dont les Américains constituent le gros (environ 90% des soldats engagés sur le terrain). L’objectif affiché de cette guerre lancée en 2001 avait été de détruire l’infrastructure de Al Qaida établie dans le pays sous la protection du régime des Talibans. La réalisation de cet objectif permet une sortie de guerre « dans l’honneur », même si on peut craindre que l’Afghanistan ne retombe, une fois l’OTAN partie, sous la coupe obscurantiste des islamistes radicaux.
On comprend mieux, maintenant, pourquoi Barack Obama avait procédé, la semaine dernière, à la nomination de Léon Panetta, chef de la CIA, au poste de secrétaire d’Etat à la Défense et nommé à sa place le général David Petraeus. Il devait déjà savoir que Ben Laden était à sa main, et que désormais il pouvait prendre un tournant stratégique majeur. La lutte contre le terrorisme international peut être maintenant découplée de l’objectif wilsonien de l’instauration par les armes de la démocratie dans des pays non préparés à l’accueillir.
Cette lutte sera désormais menée dans l’ombre, par les services de renseignements et les forces spéciales, comme au bon temps de la lutte contre la « subversion communiste » en Afrique et en Amérique latine, qui avait fait suite à la débâcle vietnamienne.
Les dangers, aujourd’hui se sont déplacés vers l’ouest : la montée en puissance des Frères musulmans en Egypte, l’issue incertaine des crises syrienne, libyenne et yéménite exigent un redéploiement de la force américaine pour faire face à toute éventualité.
Ben Laden, à son corps défendant, aura donc été le meilleur agent électoral de Barack Obama à l’orée d’une campagne présidentielle que ce dernier peut désormais aborder avec confiance.
De cette époque qui s’achève demeureront, hélas, les insupportables contrôles renforcés de sécurité dans les aéroports, legs de Ben Laden à notre civilisation.
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