Le cinéroman de notre Bebel national
La Française et l’amour (1960)
En 1960, le film à sketches recueillait un certain succès. Le cinéma avait des vertus pédagogiques, on expliquait, au fil des années, de l’enfance jusqu’à la vieillesse, le jeu de l’amour, de la passion jusqu’à la trahison. Belmondo hérite d’un rôle dans le sketch consacré à l’adultère. Il cohabite avec Dany Robin et Paul Meurisse. Quand j’étais en faculté de droit, j’avais un professeur de droit constitutionnel qui ressemblait à Meurisse. Il possédait cette voix admirable de stentor, chaque mot étant prononcé avec l’intonation idoine, la bonne mesure, la rythmique des Tables de la loi. Les étudiantes étaient folles de lui. Les Françaises croient toujours à l’amour. Jamais elles n’ont douté bien que les magazines féminins les aient incitées à l’émancipation, au célibat ou à se consacrer à leur carrière. Pas folles les Françaises, elles savent très bien qu’il n’y a rien d’autre que l’amour.
Tout est si dérisoire à côté. Suivant une mode venue des Amériques, croyant à l’illusoire victoire de la working girl, de l’executive woman, elles ont failli tomber dans le panneau. Mais, les Françaises sont sûrement les femmes les plus intelligentes au monde. Elles se sont ressaisies. Elles sont encore prêtes à tout recommencer, à se donner une fois encore, même blessées, trahies, elles s’obstinent dans l’amour. Quelle idiote pourrait croire un seul instant que les hommes sont attirés par une fille qui a réussi, s’assume financièrement et s’éclate dans son boulot ? Les hommes craquent pour une épaule dénudée, une vulgarité prononcée dans l’intimité et non pour un bulletin de paie et des séminaires au Maroc. Dans La Française et l’amour, Belmondo incarne comme d’habitude un amant, rôle qui lui sied à merveille.
L’Homme de Rio (1964)
Belmondo en permission est entraîné dans des aventures exotiques, De Broca a compris très tôt que le cinéma moderne, c’était avant tout un spectacle haletant, que le public devait être sous tension, pas le temps de respirer. Il a payé sa place, alors ne le décevons pas, de l’aventure, toujours de l’aventure. Je ne peux pas regarder jusqu’au bout L’Homme de Rio. Je n’ai pas l’entraînement. Belmondo court pendant une heure et cinquante-deux minutes. Je suis épuisé comme le jour où Julia a parlé d’un plan de table pour notre mariage.
Une femme est une femme (1961)
Si l’on met de côté un titre aussi peu appétissant qu’une trop longue campagne présidentielle, je reste sur ma faim. À vrai dire, je n’ai jamais vu ce film de Godard qui a, paraît-il, remporté l’Ours d’argent extraordinaire au Festival de Berlin en 1961. Avec le mot « femme », on pouvait trouver quand même de meilleurs titres : De femmes en femmes, façon Serge Lama, La Femme, version minimaliste, Une femme, moitié-Lelouch, Les Femmes, gourmand à la manière de Fellini, Sa femme, genre Bertrand Blier ou tout simplement Julia, ma femme.
Hold-up (1985)
Quelle idée d’aller tourner au Canada ? Arcady a réalisé un chef-d’œuvre : Le Grand Pardon. La pègre séfarade des années 1980 dans ce qu’elle a de plus violent et folklorique. J’aime beaucoup le blouson en daim que porte Guy Marchand dans Hold-up. Qui a déjà acheté un disque de Guy Marchand ? J’écoute souvent Destinée, son plus grand tube après La Passionnata. Je commence à penser qu’il y a une malédiction pour les actrices qui ont tourné avec Belmondo. Kim Cattrall, sa complice s’est reconvertie dans la série Sex and The City avant de sombrer dans l’anonymat. Elle a un faux air de Grâce de Capitani. Hold-up aurait pu être le dernier film de Belmondo, par miracle, il s’est sorti d’une mauvaise cascade.
Le Voleur (1967)
Comme Belmondo dans Le Voleur, j’aimerais vivre dans l’illégalité, déjouer le système, me moquer de lui, enfreindre la morale. Je manque de courage, je tiens trop à mon confort surtout depuis la publication des bans. Belmondo vient combler mes faiblesses. Louis Malle en fait un cambrioleur qui fracture, casse et vole salement. Le cinéma nous a assez gavés de gentleman cambrioleur, genre aristocrate de la fauche avec une éthique, un passeport en règle et le cheveu gominé.
Désiré (1996)
Désiré vaut pour la rencontre entre Fanny Ardant et Belmondo. Je place Fanny, La Femme d’à côté de Truffaut, dans la même lignée que Nicole Garcia dans Le Cavaleur, Carla Gravina et Julia. Fanny n’est pas le genre de filles qu’on hèle dans la rue ou que l’on invite à boire un verre sans se sentir mal. Fanny comme Julia sont des déesses qui se protègent derrière une voix forte et un trench à col relevé. À la pluie, j’ajoute l’imperméable comme accessoire indispensable pour faire un bon film et une histoire d’amour.
La Scoumoune (1972)
La Scoumoune, c’est une musique à l’harmonica entêtante + une sombre histoire de mine qui vous pète à la gueule + la longue carcasse de Constantin + Claudia Cardinale. J’aime les femmes qui ont la voix grave et le pardon généreux.
Borsalino (1970)
Alain Delon est depuis vingt ans le plus grand acteur comique français, tout en dérision et en exagération. Julia est ma comique préférée.
À bout de souffle (1960)
Qui lit encore le New York Herald Tribune ? Julia est abonnée au Chasseur français. À chacun son snobisme.
Les Tricheurs (1958)
Dans Les Tricheurs, Belmondo a vingt-cinq ans, on lui en donne dix de moins. Physiquement, les jeunes acteurs de la fin des années 1990 lui ressemblent, même cheveux en désordre, Romain Duris, Vincent Elbaz ou Vincent Cassel ont adopté ce style désinvolte, un brin agressif et persifleur. À l’affiche des Tricheurs, Dany Saval joue une certaine Nicole. Dans le couple Drucker, c’est Dany qui nous intrigue. Qui se cache derrière cette blonde futile ? Je me pose la même question avec Julia.
Un nommé La Rocca (1961)
Un nommé La Rocca est tiré du roman L’Excommunié de José Giovanni. Dans une émission des années 1980 consacrée pudiquement « au monde carcéral », il tenait un discours ferme, presque évangélique, exhortant les jeunes délinquants à revenir dans le droit chemin, j’avais trouvé ces propos désuets et moralisateurs. J’ai compris plus tard que la prison dégrade, abîme, avilit les hommes et que Giovanni ne souhaitait à personne de tomber dans ce trou infâme. Il avait frôlé la mort, ses années à l’ombre l’avaient marqué comme un esclave qui regarde la liberté avec délectation. Il avait raison.
Peur sur la ville (1975)
Belmondo, meilleur guide touristique de Paris en 1975. Verneuil ne lui aura rien épargné, course-poursuite, escalade et survol de la capitale en hélicoptère. 1975 était une belle année, les murs de la capitale étaient sombres, les hommes avaient des cheveux bouclés, des nœuds de cravate larges, des canadiennes avec de la moumoute, ils étaient fiers de porter à leur poignet une montre-bracelet Cartier et de conduire une Citroën GS. J’ai offert une Cartier à Julia.
Échappement libre (1964)
Échappement libre a été tourné, en partie, dans les studios « Paris-Studios-Cinéma » à Billancourt et à Beyrouth. Coproduction franco hispano-italienne, l’Europe fonctionnait à plein régime, c’était il y a cinquante ans. Elle allait même au-delà de la Méditerranée. Julia aimerait aller au Liban en voyage de noces, en hommage à sa grand-mère.
Dragées au poivre (1963)
Avec Julia, nous nous sommes mariés à la mairie du XIVe arrondissement, le jour où disparaissait Sophie Daumier, actrice fantasque et libre.
Mademoiselle Ange (1959)
Avec Julia, nous attendons un enfant.
FIN
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