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Belleville, le vieil homme et la marcheuse chinoise

Foutons la paix aux travailleuses du sexe!


Belleville, le vieil homme et la marcheuse chinoise
© SIPANY / SIPA Numéro de reportage : SIPAUSA30161530_000012

Avoir recours au sexe tarifé est un délit en France. Plus personne ne semble s’en indigner. Sauf sur Causeur


Il y a quelques jours, de cela, j’ai été témoin, dans le quartier de Belleville à Paris, d’une scène d’une révoltante injustice, une conséquence directe de l’application de l’une de ces lois scélérates et liberticides dont les gouvernements récents semblent prendre un malin plaisir à affliger, chaque jour davantage, notre pays et ses habitants. Sur un boulevard, une marcheuse chinoise, femme plus toute fraîche d’une cinquantaine d’années environ, rentrait chez elle. Elle était suivie, à quelques pas de distance, par son client rencontré dans la rue, un vieux monsieur un peu décati, chauve, mal habillé, corpulent, essoufflé, et éprouvant visiblement de la peine à marcher. Bref, deux êtres faibles et inoffensifs, associant pour un bref instant leur misère pour s’aider mutuellement à subsister et à rendre leur vie un peu plus supportable en échangeant un peu d’argent contre un peu de plaisir…

Relire le manifeste des 343 « salauds » de novembre 2013. Contre les lois anti-prostitution, pour la liberté.

Soudain, au moment où le vieux monsieur boiteux rentrait dans la maison derrière la dame chinoise, un jeune policier en civil, très grand et athlétique, s’est précipité sur lui pour le prendre en flagrant délit de recours au sexe tarifé, en application de cette stupide loi sur la pénalisation des clients de prostituées, votée en 2016. Il a rapidement été rejoint par deux autres collègues, tout aussi jeunes et athlétiques que lui, qui ont pris des attitudes de Rambo pour coincer, à trois, le vieillard. Vraiment, une opération du GIGN contre un terroriste armé jusqu’aux dents n’aurait pas fait plus de bruit dans la rue ! Une voiture de police est ensuite arrivée, toutes sirènes hurlantes, pour embarquer ce dangereux délinquant d’environ 65 ans, et le conduire au commissariat.

Vous avez vu votre âge, Monsieur ?

Là-bas, on laissera le choix à ce pauvre homme entre une amende de 300 euros – peut-être le tiers ou le quart de son revenu mensuel – et un stage de redressement idéologique où on lui expliquera que c’est très mal de chercher à prendre un peu de plaisir quand on est vieux, moche et pauvre, et qu’il faut laisser ça aux beaux mecs, jeunes et friqués, qui ont suffisamment d’atouts pour plaire aux jolies filles et en obtenir tout ce qu’ils veulent gratos.

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La dame chinoise s’est assise sur un banc, triste et un peu sonnée. Elle a donné un coup de fil, sans doute pour prévenir ses collègues. Et puis elle est rentrée chez elle, seule, tête basse. Sous prétexte de la protéger, on venait de lui gâcher sa journée de travail, de la priver d’une passe lui permettant de payer péniblement un loyer, des dettes, les études de ses enfants ou l’hôpital de ses parents, que sais-je ? Tout cela parce que des abolitionnistes dogmatiques ont décidé, en faisant fi de l’extrême diversité des parcours individuels, que toutes les travailleuses du sexe étaient des victimes de réseaux mafieux et que tous les clients étaient donc d’infâmes complices de cet état des choses.

Cette loi liberticide m’indigne

C’est juste complètement faux ! Les marcheuses chinoises n’ont pas commencé leur métier actuel très jeunes, mais à un âge relativement avancé, après que la perte de leur emploi en Chine les ait conduites à l’exil en France. Elles n’ont pas choisi d’exercer ce métier sous la contrainte de réseaux mafieux, mais parce qu’il leur semblait préférable à l’état de nounou ou d’ouvrière clandestine dans un atelier de confection d’Aubervilliers, seules autres possibilités offertes aux sans-papiers chinoises. Elles ne font pas des dizaines de passes par jour, mais sont au contraire exposées à de très longues heures d’attente pour guetter les rares clients qui leur permettront peut-être d’assurer leur subsistance au jour le jour. Les clients ? Ils n’ont ni le profil d’agresseurs sexuels ni celui de mâles patriarcaux dominants et prédateurs. Ce sont, pour beaucoup d’entre eux, de pauvres êtres sexuellement frustrés, qui viennent chercher un peu de réconfort auprès des seules femmes qui acceptent de les accueillir.

A qui la rencontre éphémère et volontaire de ces deux destinées malheureuses portait-elle préjudice ?

Je suis triste et révolté

A la morale ? A la dignité féminine ? Qui-êtes-vous pour vous substituer, au nom d’un féminisme dogmatique et invasif, à chaque femme pour décider à sa place de ce qu’elle estime digne ou non ?

A l’ordre public ? Au lieu d’arrêter des vieux messieurs inoffensifs, peut-être pourrait-on penser à mieux pourchasser les vrais délinquants de l’est parisien ?

Pourchassez les réseaux tant que vous voulez, à condition bien sûr qu’il s’agisse de vrais réseaux criminels organisés, et pas simplement du petit propriétaire qui loue un studio, du petit ami de cœur auquel ces femmes ont droit comme n’importe quelle femme… mais laissez les gens libres de s’aimer et de travailler comme ils le veulent. Messieurs les abolitionnistes, mesdames les néo-féministes puritaines, arrêtez de vous mêler des affaires des autres, en cherchant contre leur gré à faire le bonheur des travailleuses du sexe qui ne vous ont absolument rien demandé ! Y aura-t-il un jour un ou une ministre, secrétaire d’Etat, sénateur ou député suffisamment courageux pour se dresser et mettre fin à ces hypocrisies mortifères ?

Ce soir je suis bien triste et révolté en pensant à ce vieux monsieur modeste, moche et désarmé qu’on a humilié et mis à l’amende, qui doit se demander maintenant s’il va encore pouvoir faire une fois l’amour avant de mourir. Je suis triste et révolté en pensant à cette pauvre dame chinoise qui doit se demander comment elle va faire pour payer son loyer. Je suis triste et révolté en pensant que le peu d’argent dont disposent les uns et les autres, si précieux pour des gens à l’existence difficile, a été spolié par l’Etat sous forme d’une amende au lieu de permettre à l’un de se détendre un peu et à l’autre de travailler un peu ! Et je suis surtout triste et révolté qu’il existe encore des gens pour penser que tout cela est bel et bon.



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