N’allez pas parler aux Belges de “passe sanitaire”. Comme ils ne peuvent jamais rien faire comme tout le monde, la région autonome bruxelloise met en place le “Covid Safe Ticket”.
La Belgique, qui est réputée être un pays surréaliste – ce qui est un gentil euphémisme pour dire « crétin » – va encore s’illustrer dans ce domaine [1]. Contrairement à la France, on n’y aura pas recours à un passe sanitaire. Les autorités l’ont martelé à l’envi, pas de ça chez nous ! Non, la Belgique n’aura pas de passe sanitaire, elle aura plutôt un « Covid Safe Ticket ». Les dirigeants belges sont très friands d’anglais d’aéroport, le moindre terme à consonance un peu trop francophone hérissant les Flamands. Donc pas de passe sanitaire, et vive le Covid Safe Ticket ! Il sera exigé pour se rendre au restaurant, au spectacle ou tout simplement pour siroter une Duvel en savourant le tardif soleil automnal à la terrasse du troquet du coin. Du moins, il sera exigé d’une partie des Belges : les Bruxellois [2].
En effet, dans le cadre de son coûteux surréalisme, la Belgique se divise en un vrai mille-feuille d’autorités complémentaires – parfois – ou opposées -souvent.
C’est d’ailleurs en mars 2020, à l’aube du confinement, que les Belges ébahis ont appris qu’ils entretenaient neuf ministres de la santé ! Ces autorités peuvent être fédérales, régionales, provinciales, communales ou communautaires. Sans compter la Cocof (Commission communautaire francophone), la Cocon (Commission communautaire néerlandophone) et la Cococo (Commission communautaire commune).
Et c’est donc la Région bruxelloise qui a eu cette ingénieuse idée de Covid Safe Ticket, assorti d’amendes, sinon on ne voit pas trop l’intérêt du bidule. Préemptée par une éternelle coalition rouge et verte, avec quelques partis-croupions pour faire l’appoint, ladite Région en avait déjà fait beaucoup baver au secteur de la restauration. Des aménagements urbanistiques ubuesques, une politique de mobilité ahurissante, des piétonniers gigantesques, une insécurité croissante mais non sanctionnée et des taxes à perte de vue avaient contraint nombre de représentants du secteur Horeca (Hotels, Restaurants, Cafés) à la faillite. Les survivants avaient dû affronter la police de la « chaîne alimentaire » plus sourcilleuse que jamais, traquant les œufs de poules non estampillées ou le lait de vaches non certifiées dans toutes les arrière-cuisines. C’est donc au bord de l’asphyxie que la plupart des bistrotiers a affronté le confinement de 2020 et se bat encore, du moins ceux qui n’ont pas mis la clé sous le paillasson, pour survivre. Et paf ! Voilà le Covid Safe Ticket qui fait son apparition. La clientèle devra donc montrer patte blanche et se faire enfoncer un coton-tige dans le pif avant de passer à table. Sauf que ladite clientèle ne fait pas mystère de ses intentions, elle ira déguster son moules-frites dans une des deux autres régions, vu qu’un bobo à trottinette ferait le tour de la Région bruxelloise en vingt minutes.
Le bon sens voudrait donc que cette Région bruxelloise renonce à ses singeries et restitue aux habitants leurs élémentaires libertés. Mais le bon sens n’est pas à proprement parler la marque de fabrique des autorités bruxelloises. Elles font donc pression sur les deux autres régions afin que celles-ci adoptent les mêmes mesures. Pour la Flandre, c’est « Niet ! ». Mais en Wallonie on se tâte en se demandant ce qui sera le plus lucratif de l’oppression ou de la liberté.
[1] La Belgique est réputée « surréaliste » dans le domaine des arts (cinéma, peinture, poésie, architecture) mais aussi pour son système politique assez ubuesque, le pays pouvant demeurer plus d’un an sans gouvernement après des élections NDLR…
[2] La Belgique est constituée de trois régions autonomes (qui se tapent dessus), la Wallonie, la Flandre et le Région bruxelloise. Cette dernière est toute petite, et compte un million d’habitants.