Si Bruno Maillé a parfaitement dit tout le bien qu’il faut penser de L’amour dure trois ans, il se trompe en affirmant que le film n’est ni cynique ni romantique, tendance Judd Apatow : il est les deux, parmi ses plus belles qualités.
Quand, comme Frédéric Beigbeder, on aurait aimé être Maurice Ronet ou rien, quand on cite avec plaisir Bukowski et Les liaisons dangereuses de Vadim, dialoguées par Roger Vailland, et quand on est heureux d’offrir à Bernard Menez – échappé de Pleure pas la bouche pleine de Pascal Thomas – un rôle de père adepte des jeunes femmes asiatiques : on est cynique et romantique.
Gaspard Proust, alias Marc Marronnier, double de Beigbeder, incarne cet homme-là. Chroniqueur des nuits parisiennes et critique littéraire, il fait sonner la langue française entre deux shots de vodka au Montana. Ses mots sont un assaut de drôlerie, une caresse de mélancolie. Il croit à l’amour, puis n’y croit plus : « Dans un couple, la première année, on achète des meubles, la deuxième année, on déplace les meubles, la troisième année, on partage les meubles.» Il en fait un livre à succès, le début de sa gloire et des emmerdements. Il se couche à l’aube, se réveille dans une flaque de vomi. Il regarde passer les filles, avec ses amis, s’interroge sur leur face cachée : jardin à l’anglaise ou ticket de métro ? Il porte des lunettes noires, file sur la côte basque enterrer sa grand-mère. Son deuil a le rire et la silhouette blonde de Louise Bourgoin.
Une partie de plaisir
L’apparition de Louise Bourgoin, sous le soleil de Guéthary, a la grâce d’un poème de Paul-Jean Toulet. Elle est la douceur espiègle des choses. Une héroïne en robe noire sur la plage, qui boit du champagne à la bouteille, fugue en décapotable, grille les feux rouges. Elle a déjà un fiancé, un caractère de cochonne et des pieds bizarres : impossible de ne pas tomber amoureux d’elle. Ce n’est pas simple ? C’est encore mieux :
– C’est la dernière fois qu’on se voit, Marc.
– Donc c’est moi qui t’appelle.
Devant L’amour dure trois ans, on pense à Eric Rohmer. A la mort de Rohmer, Beigbeder avait écrit : « Bien sûr, les Français continueront de faire des films où des filles et des garçons se parlent d’amour au bord de la mer. Mais ils seront moins bien »
Peu importe que L’amour dure trois ans soit moins bien que La collectionneuse, Le genou de Claire ou Pauline à la plage : c’est un premier film, donc le meilleur. En dilettante, Beigbeder badine, léger et profond, autour du plus vieux sentiment du monde. Il s’est amusé, nous invite à une partie de plaisir sur laquelle Michel Legrand pose ses notes, et Joey Starr sa voix de crooner destroyé. Annie Duperey passe, Alain Finkielkraut aussi. Frédérique Bel est une adorable potiche nymphomane et Valérie Lemercier, une éditrice qui récupère ses auteurs dans les toilettes du Flore. Le mot de la fin : « Je m’aime, il m’aime, ça me suffit. »
Cynique et romantique, disait-on.
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