Accueil Édition Abonné Fin de partie

Fin de partie

Pays-Bas: Beckett se fait "cancel"


Fin de partie
© D.R

Aux Pays-Bas, une représentation de Beckett vient d’être annulée, car le metteur en scène n’avait auditionné que des hommes. Pourtant, la pièce précise que tous les rôles sont bien masculins.


Le jeune metteur en scène irlandais Oisín Moyne avait prévu de faire ses débuts avec la célèbre pièce de théâtre de Beckett, En attendant Godot, nous apprend The Irish Times. Les représentations devaient avoir lieu au centre culturel de l’université de Groningen (Pays-Bas) au mois de mars. Les répétitions se déroulaient depuis le mois de novembre.

Tout se passait bien jusqu’au moment où des représentants du centre culturel ont découvert que les auditions pour l’attribution des cinq rôles masculins de la pièce avaient été réservées… aux hommes. Même pour une pièce écrite précisément pour être jouée par cinq hommes, les auditions n’ont pas été suffisamment « ouvertes », selon eux. « Vous ne pouvez pas interdire des gens dès le départ », s’est ému Bran Douwes, le programmateur du théâtre. Pour sa défense, Oisín Moyne a affirmé qu’il était impossible de confier ces rôles à des femmes. En effet, les héritiers de Beckett, détenteurs des droits de Godot, imposent aux compagnies le strict respect des consignes de l’auteur, à savoir une distribution exclusivement masculine, sous peine de procès. Medeea Anton, la productrice de la pièce, a cru pouvoir amadouer l’université en allant inclusivement dans son sens : « […] le reste de notre production est majoritairement féminin. Nous avons également des personnes trans, des personnes non binaires ». Mais rien n’y a fait. « L’idée que seuls les hommes sont aptes à jouer ces rôles est dépassée et même discriminatoire », a asséné la très ouverte et très inclusive attachée de presse de l’université.

À lire aussi : La culture subventionnée est l’avant-garde du wokisme

Les représentations ont été annulées. Bonne poire, Oisín Moyne espère sincèrement que l’université trouvera un événement conjuguant théâtre et inclusion pour remplacer le sien. Philosophe, il espère simplement qu’un autre lieu culturel voudra bien les accueillir, lui et sa troupe : « Maintenant, c’est nous qui attendons Godot. » Voilà ce que Beckett n’aurait sûrement pas manqué d’appeler une ubuesque fin de partie.

En attendant Godot

Price: 9,86 €

127 used & new available from 1,23 €

Mars 2023 – Causeur #110

Article extrait du Magazine Causeur




Article précédent Michel-Georges Micberth, l’anar de droite, disparaissait il y a dix ans
Article suivant Banques: comment le système a en urgence colmaté les failles
Amateur de livres et de musique. Dernier ouvrage paru : Les Gobeurs ne se reposent jamais (éditions Ovadia, avril 2022).

RÉAGISSEZ À CET ARTICLE

Pour laisser un commentaire sur un article, nous vous invitons à créer un compte Disqus ci-dessous (bouton S'identifier) ou à vous connecter avec votre compte existant.
Une tenue correcte est exigée. Soyez courtois et évitez le hors sujet.
Notre charte de modération