Dans l’Obs du 2 février 2023 consacré, comme sa couverture l’indique, à ChatGPT, soit l’intelligence artificielle, une rubrique mode était consacrée à un défilé de mode masculin.
Bécassine a eu la berlue en voyant les photographies des mannequins « hommes » portant des vêtements franchement minimalistes ou très dépareillés. Quelque chose la perturbait et qui n’était pas ce jeune homme en jupe ; ce n’est certes pas la première fois qu’on voit un homme en porter et certains Écossais, taillés comme des bûcherons, savent parfaitement les mettre en valeur…
Des walking dead sur le catwalk
Non, ce qui l’a frappée est autre chose : la mine quasi cadavérique de ces adolescents attardés ; leur teint blême à l’extrême, leur visage glabre, leur maigreur, leur regard éteint, l’absence radicale de toute expression, bref, l’impression très pénible d’avoir affaire à des robots. Et Bécassine ne parle même pas de l’absence de couleurs des dits-vêtements ; de la décoloration des teints et des teintes donnant le sentiment d’une bande de zombies.
A relire, du même auteur: La mort se met au vert
Est-ce ainsi que les hommes vont ? pensa-t-elle, effrayée. Mal hélas et mâles pas. Certes, une certaine féminisation du monsieur est passée par là, mais pas que. Ce qui lui a sauté à la figure est que ces pantins plus que mannequins ressemblaient beaucoup à ces avatars en tous genres et qui disent la robotisation du monde et sa désincarnation. C’est-à-dire que ces messieurs étaient devenus virtuels !
Mines glaciales sur papier glacé
Alors, se dit-elle, en même temps que l’intelligence artificielle se rapproche de l’être humain dans sa capacité d’expression logique, l’être devenu non-humain se rapproche, lui, de l’artifice. Et ce n’est pas un feu auquel nous avons droit, avec son bouquet final, mais à une glaciation qui semble vouloir compenser la fonte des neiges pour cause de réchauffement climatique. Ainsi, les humains ici constatés réfrigèrent l’atmosphère pendant que la couche d’ozone brûle les blés.
Mais comme Bécassine ne croit pas à ce genre de rééquilibrage, elle sombre un instant mais un instant seulement dans la mélancolie devant ces pauvres hères qu’on semble avoir traînés là contre leur gré, et se couchera ce soir en pensant à un cow-boy à l’ancienne avec épaules, biscotos et la tenue vestimentaire qui va avec. Elle n’ira pas jusqu’à John Wayne qui en faisait un peu trop, mais Robert Redford, pour lequel elle a toujours eu un faible, fera très bien l’affaire, surtout dans le rôle de Jérémiah Johnson avec sa barbe, ton teint hâlé, ses vestes en gros lainage, bref avec – Bécassine va oser le mot maudit – sa virilité !
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