Veyron chez Tolstoï
Qu’y-a-t-il de commun entre Bernard Lermite, le personnage créé par Martin Veyron et un conte de Tolstoï ? Entre le Paris yuppie des années 80 et la Russie tradi du XIXème siècle. Entre le milieu de la pub et de « pauvres » paysans. La propriété privée, pierre angulaire de tous les accaparements et les débordements ! Le dessinateur qui croque la vie conjugale des citadins depuis plus de trente ans, vient d’adapter Ce qu’il faut de terre à l’homme en bande-dessinée. Fini les jeunes maîtresses accortes et les quinquas dépassés par leur libido, place au dur labeur des champs, au désir de posséder toujours plus, de s’agrandir jusqu’à s’éteindre. Cette fable retrace l’épopée d’un gentil bougre vivant paisiblement avec sa famille qui se transforme en grand propriétaire terrien au pays des Baskirs. « Ce sont des gens doux qui ne s’y entendent guère en affaires. Tu pourrais obtenir un vaste domaine pour le prix de ta parcelle de pommiers » lui suggère un pèlerin. Funeste présage qui entraînera une folie expansionniste chez cet homme tranquille. Veyron signe ici un pamphlet diabolique, son trait rond et vif sous-tend l’action. Une belle maîtrise esthétique, un coloriage élégant réalisé par Charles Veyron et une plongée abyssale dans la naïveté humaine. Les rêves de prospérité ne connaissent pas de limite. Déjà un classique à ranger dans votre bédéthèque !
Ce qu’il faut de terre à l’homme de Martin Veyron – Dargaud
Clifton is back !
On désespérait de ne plus avoir de nouvelles de Harold Wilberforce Clifton, cet irrésistible colonel à la retraite imaginé, à l’origine, par Raymond Macherot en 1959. Les plus belles bacchantes du Royaume-Uni ! Ce séducteur involontaire, chef scout célibataire et détective amateur roule toujours en MG TD rouge, peste contre Miss Partridge, son inséparable gouvernante et dépense l’intégralité de ses économies en nourriture pour chats. Qui n’a pas connu le plaisir de lire son premier Clifton sur un lit d’hôpital à l’âge de 8 ans ne comprendra pas mon émotion et ma fébrilité avant d’ouvrir ce vingt-deuxième album. Car Clifton, c’est une Angleterre de cartes postales, de cottages tirés au cordeau, de distributions de lait au petit matin et de bus double decker. God save Clifton ! Cet album marque le retour de l’enfant prodigue, le dessinateur Turk (Robin Dubois, Léonard, etc.) qui, avec son comparse de Groot, ont réalisé les 9 premiers épisodes entre 1978 et 1984. Trente ans plus tard, Turk reprend en main son héros, accompagné cette fois-ci de Zidrou au scénario et Kaël aux couleurs. On trempe cette Madeleine avec délectation dans un thé bien chaud. Cette nostalgie-là réchauffera les cœurs durant les vacances d’hiver ! Dans cette aventure intitulée « Clifton et les gauchers contrariés », les Londoniens se mettent mystérieusement à rouler à droite. Leur identité est en péril. « Notre pays est un adepte du non-sens, pas du contresens » dit l’un des personnages. Destiné à tous les publics, Clifton demeure un ami pour la vie. Bonne nouvelle, un vingt-troisième épisode (Just Married !) est en préparation.
Clifton et les gauchers contrariés de Turk et Zidrou – Le Lombard
Le diable se niche en Suisse
A 41 ans, j’ai des habitudes de grand-père, des rituels immuables. Chaque mercredi matin, j’achète Spirou chez un kiosquier près des ministères. Je ne suis pas le seul atteint de cette douceur d’enfance. Je croise chaque semaine à la même heure, un avocat célèbre, pénaliste redoutable du barreau de Paris et un vieil homme d’affaires, qui, ostensiblement, mettent Spirou sur leur pile de quotidiens. Ils ne nous viendraient pas à l’idée de cacher notre hebdomadaire préféré comme jadis l’adolescent dissimulait maladroitement une revue de charme. Entre parenthèses, pour ceux qui annoncent la mort de la presse écrite, c’est raté puisque Spirou existe depuis soixante-dix-neuf ans ! Et donc, chaque mercredi, je m’empresse de lire les strips de Nelson, le diablotin créé par Christophe Bertschy (scénario, dessin et couleur). C’est une révolution orange en trois cases horizontales. Il n’y avait qu’un Suisse pour nous rendre à ce point accro. Ce diablotin, tour à tour veule et tendre, cynique et drolatique, a débuté sa carrière dans les colonnes du Matin. Depuis il n’a qu’un but sur Terre : persécuter Julie, une jeune femme moderne et Floyd, un labrador idiot. Ses deux colocataires subissent ses foudres mais réussissent aussi à se venger. C’est bien écrit, percutant, caustique et profond ! Ne manquez pas le tome 16, « Déplorable Surprise », qui vient tout juste de sortir.
Nelson – Tome 16 – Déplorable surprise de Bertschy – Dupuis
Ce qu'il faut de terre à l'homme - Tome 0 - Ce qu'il faut de terre à l'homme
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Clifton - Tome 22 - Clifton et les gauchers contrariés
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