Et si on bullait ce week-end ?


Et si on bullait ce week-end ?

Burma au turbin

Nestor poursuit son tour de Paris en bande-dessinée. On doit à Tardi cette initiative touristico-policière en noir et blanc. Il a été le premier à relancer la carrière de ce privé aux mauvaises manières avec Brouillard au pont de Tolbiac. Depuis, le héros de Léo Malet a traîné sa tête de lard à la Nation, au 120, rue de la gare, à la Plaine Monceau et même derrière le Louvre. Moynot a pris un temps la succession graphique de Tardi et c’est aujourd’hui Barral qui s’y colle. Il a déjà sorti Boulevard…ossements. Il s’attaque désormais à un classique des Nouveaux Mystères de Paris, Micmac moche au Boul’mich et plonge Nestor dans le Vème arrondissement. Casterman a l’excellente idée de pré-publier cette enquête sous le format original de trois journaux (fac-similé) vendus entre août et octobre. Les collectionneurs achèteront ces trois fantaisies et l’album complet qui sortira le 28 octobre prochain. L’histoire se passe à la fin des années 50 et commence par un suicide Quai Saint-Bernard face à la Halle aux vins. Nestor emmitouflé dans sa canadienne escalade la Montagne Sainte-Geneviève à la rencontre d’une drôle de population : les étudiants. Entre le Panthéon et la Sorbonne, il traque le carabin au volant de son antique Peugeot 203. Barral maîtrise le trait renfrogné de Nestor et sait déshabiller la pulpeuse Jacqueline, studieuse le jour et effeuilleuse le soir dans un cabaret. Dans une ambiance qui rappelle le film « Les Tricheurs » de Marcel Carné, sur une partition aux petits oignons de Léo, l’anar’ de la série noire, Barral dessine sur du velours. C’est vraiment chouette ! Il y a des filles en duffle-coat, ce bon vieux commissaire Florimond et des coups tordus.

Nestor Burma – Micmac moche au Boul’mich de Malet et Barral – D’après l’univers graphique de Tardi – Casterman

Micmac moche au Boul'Mich - Numéro 1 - 19 août 2015

Price: 7,43 €

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Mylène et Claudia

Chez les Demongeot, on connaît la fille. Mylène, l’actrice blonde au corps souple, l’incandescence et le charme naturel sur grand écran. Un regard pénétrant qui fit chavirer tous les jeunes hommes des années 50/60 aussi troublant que la voix éraillée de BB. Qui n’a pas succombé à cette rigolote aux courbes épanouies dans la série des Fantômas ? Une Milady populaire qui lorsqu’elle jouait (trop rarement) la tragédie, nageait comme un poisson dans l’eau. Les actrices divas de la Nouvelle Vague pouvaient aller se rhabiller. Dans L’inassouvie de Dino Risi en 1960, elle était atrocement belle et possédée par ce rôle. On sait maintenant d’où lui venait cette propension au malheur. En 1990, Mylène a publié Les lilas de Kharkov, un livre qui raconte le destin de sa mère, Claudia. Adieu Kharkov, la bande-dessinée de Claire Bouilhac et Catel Muller est librement inspirée de cet ouvrage. Dans sa préface, Pierre Richard a raison de dire que « c’est un superbe mélodrame aux accents pathétiques », « un film d’aventure » aussi. On suit en parallèle, la vie de Mylène sur la Côte d’Azur dans les années 1980 et l’enfance terrible de sa mère Claudia, dans l’Ukraine des années 1910. A ce moment-là, la comédienne a pris le large avec son métier, partagée entre le cancer de sa mère et les addictions de son mari, Marc, le fils Simenon. Sur son lit d’hôpital, Claudia, femme brutale à l’extraordinaire capacité de résilience raconte sa soif de réussite, des plaines de l’Oural jusqu’à Paris en passant par Shanghai et Saigon. Une volonté de fer qui fera abstraction de tout : la faim, la violence, le déclassement pour accéder à un certain confort. Dans ce dernier face-à-face tendre et cruel, Mylène et Claudia retissent d’indestructibles liens. Mention spéciale aux deux dessinatrices au summum de leur art, à l’aise dans tous les registres et d’une grande justesse de ton. Le trait juste pour une émotion vraie.

Adieu Kharkov de Mylène Demongeot – Bouilhac & Catel – Air Libre

Adieu Kharkov - Tome 0 - Adieu Kharkov

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A droite toute

Mitterrand n’a plus de secrets pour nous. En êtes-vous sûr ? Depuis Une jeunesse française, l’ex-Président est passé sur le divan de la Nation. Après des centaines de livres, d’essais et de documentaires, chaque partie de sa vie a été examinée, pesée, disséquée, débattue pour arriver enfin au constat qu’il était impénétrable. Une vérité historique ne suffirait pas à faire le tour d’une personnalité aussi romanesque, tout en dévers et profondeurs. Lui-même a construit, pas à pas, son propre récit suivant son instinct et cette inébranlable confiance en sa qualité d’homme supérieur. Dans la bande-dessinée « Mitterrand, un jeune homme de droite », Philippe Richelle et Frédéric Rébéna ont superbement capté cette lente éclosion. Mitterrand n’est pas né en un jour. Les deux auteurs refont le parcours initiatique d’un étudiant en droit au milieu des années 30 jusqu’à la Libération de Paris en s’appuyant sur une solide bibliographie. Ils réussissent surtout à faire apparaître, grâce à une technique épurée, la force de caractère d’un jeune catholique qui croit en sa destinée. Au Foyer des pères maristes du 104, rue de Vaugirard, Mitterrand a déjà cette assurance qui agace et séduit. Il est capable de dire « la modestie, c’est l’affaire des médiocres » sans sourciller. Le doute ne l’atteint pas. Et pourtant derrière cette fatuité, il y a aussi l’amour fou pour une lycéenne de 15 ans et la passion pour l’écriture. Mitterrand se cherche dans les milieux de droite sans se mouiller. L’Histoire décidera pour lui. Après la Déclaration de guerre, le stalag, les évasions, ce sera Vichy et la Résistance. Un chemin tortueux avant d’atteindre le perron de l’Elysée.

Mitterrand, un jeune homme de droite de P. Richelle & F. Rébéna – Rue de Sèvres

Mitterrand : Un jeune homme de droite

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Journaliste et écrivain. À paraître : "Tendre est la province", Éditions Equateurs, 2024

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