C’est tout nouveau, ça vient de sortir : un trio de vieux briscards du gauchisme hexagonal vient de lancer une OPA sur la mouvance verte, celle de l’écologie politique française. Il s’agit de Daniel Cohn-Bendit, co-président du groupe Vert du parlement européen, José Bové, faucheur de maïs OGM, accessoirement leader de Via Campesina, et Jean-Paul Besset, porte-parole de la fondation Nicolas Hulot.
Leur objectif : fédérer les partis, associations et mouvements se réclamant de la défense de l’environnement dans l’espoir de « cartonner » lors des élections au Parlement européen du printemps 2009.
La débandade des écolos et altermondialistes lors de l’élection présidentielle de 2007 (Voynet 1,57 %, Bové 1,32 %), la pagaille perpétuelle régnant chez les Verts français et les déchirements internes du PS ont donné une idée à nos trois lascars : en lançant un coup de pied dans la fourmilière écologique, leur alliance devrait leur permettre de ramasser une mise électorale inespérée. De surcroît, elle devrait freiner la progression dans l’opinion d’Olivier Besancenot et de la LCR rebaptisée NPA (Nouveau parti anticapitaliste).
Nos pieds nickelés de la planète verte – hommage soit rendu aux héros de Forton jamais en retard d’une arnaque – ne sont pas des perdreaux de l’année dans le domaine de la manœuvre politico-médiatique. Formés dans les boutiques patentées du gauchisme français, anarchiste, trotskiste ou tiers-mondiste, Cohn-Bendit, Besset et Bové ont en commun une seule chose : il est urgent pour eux (surtout, il est vrai, pour les deux derniers) d’atteindre des positions de pouvoir avant que l’âge ne les renvoie à la plantation de leurs choux biologiques. Pour le reste, leurs convictions affichées et leurs itinéraires politiques ne présagent pas d’une harmonie céleste dans l’hypothèse où ils accéderaient ensemble à des responsabilités gouvernementales.
Commençons par le plus connu, et, il faut le reconnaître, le plus sympathique. Dany Cohn-Bendit n’en finit pas de recueillir les bénéfices politiques et médiatiques de son vedettariat de mai 1968. Dany-le-rouge est devenu Dany-le-grisonnant, mais il n’a rien perdu de son sens de la répartie, de son art des « coups » politiques et de sa capacité à dire tout et le contraire de tout avec un aplomb qui désarçonne ses contradicteurs. On a rarement entendu notre Dany se lancer dans des exposés motivés et savants sur le devenir de la planète où la théorie de la décroissance économique: s’il est Vert, envoyé au parlement européen par les électeurs allemands, c’est parce que l’écologie a été la voie royale d’intégration des anciens gauchistes d’outre-Rhin à l’establishment politique. Mais dans leur grande sagesse, ces mêmes électeurs ont préféré confier la clé verte du gouvernement de Berlin à Joschka Fischer, dont la solidité germanique rassurait, plutôt qu’à ce farfadet franco-allemand jugé par trop léger et virevoltant.
Depuis maintenant quarante ans, Dany Cohn-Bendit fait de la politique prétendument nouvelle avec les méthodes des rad-socs de la IIIe République. Un opportunisme sans rivages le conduit tantôt à cajoler François Bayrou, tantôt à pactiser avec les altermondialistes radicaux, en fonction de la météo électorale. Ses banquets républicains à lui sont les multiples talk-shows télévisés auxquels il participe à travers l’Europe avec un plaisir non dissimulé. Il est Vert, certes, mais d’un vert si pâle qu’il ne jure ni avec le bleu, ni avec le rose… Le calcul de Dany, dans cette nouvelle alliance dont il se fait le héraut, est simple : si je veux finir ministre, comme mon pote Kouchner, il faut que je passe par la case « France ». En effet, les perspectives d’un retour au pouvoir d’une coalition rouge-vert à Berlin sont nulles à court et moyen terme. Le parti social-démocrate est en pleine déconfiture, et les Verts sont concurrencés, à gauche par die Linke d’Oskar Lafontaine.
En revanche, il n’est pas interdit de rêver, en France, d’une victoire de la gauche à la présidentielle de 2012, et, dans cette hypothèse, il importe de positionner dès 2009 les Verts et associés comme partenaires de gouvernement incontournables. Des écolos avec un score à deux chiffres aux européennes seraient un tremplin idéal pour les ambitions françaises du Francfortois. La transmission de pouvoir, au quai d’Orsay entre Bernard Kouchner et Dany Cohn-Bendit, en juin 2012, est une image que les deux compères évoquent régulièrement dans leurs conversations intimes…
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