Bayrou premier ministre de Nicolas Sarkozy après sa réélection ? Pour Jean-Pierre Raffarin, démineur en chef de l’UMP, « s’il y a accord politique » avec le centriste et si celui-ci contribue d’une manière décisive à la victoire – ce qui traduit du patois raffarinien veut dire « s’il appelle à voter Sarkozy au deuxième tour, et pas du bout des lèvres » – l’hypothèse est tout à fait envisageable, voire souhaitable.
Ce ballon d’essai, déjà lâché il y a une dizaine de jours par Valérie Pécresse, a immédiatement déclenché un tir nourri de Jean-François Copé, qui a rappelé sur le plateau de LCI que, selon la tradition de la Cinquième République « le président nouvellement élu, généralement, choisit le Premier ministre issu de la famille la plus importante de l’Assemblée nationale ». Bientôt Copé, nous expliquera carrément que dans une Cinquième République déringardisée, la tradition veut que le président demande au secrétaire général du parti le plus puissant de sa majorité s’il veut bien occuper l’Hôtel Matignon…
Au-delà des calculs politiciens – on sait bien que le report des voix centristes jouera un rôle capital au second tour- et des paradoxes arithmétiques cocasses (on sent déjà que les 10 % du Bayrou de 2012 vaudront plus cher que ses 17 % de 2007), la possibilité que dans l’entre-deux tours Matignon soit négocié en échange du soutien d’un parti politique démontre, pour ceux qui en doutaient, que l’actuelle république n’a plus de cinquième que le nom.
L’idée que Matignon devienne une forteresse occupée par un baron indépendant ne devant qu’hommage formel au suzerain du Château va radicalement à l’encontre de l’esprit même du régime actuel. Les cohabitations ont déjà mis à rude épreuve la logique de nos institutions et le passage du septennat au quinquennat a rendu ce phénomène un peu moins probable. Le ras-le-bol général et le manque d’enthousiasme que suscitent les candidats risquent de contredire la tradition qui veut que ceux qui ont voté pour un président lui donnent une majorité parlementaire quelques semaines plus tard. A une époque où les citoyens ont plutôt envie de s’abstenir ou de jouer des tours à leurs dirigeants, il est hasardeux de compter sur le « bon sens » des Français.
Céder Matignon à un allié politique de circonstance et par définition volatile, ce serait installer une sorte de « cohabitation perpétuelle » entre un président élu au suffrage universel et un premier ministre qu’on ne peut virer sans risquer de perdre le soutien de l’Assemblée. Pas besoin de voter Mélenchon si vous ne voulez plus entendre parler de la Cinquième République : dans les faits, elle risque fort de ne pas passer l’été…
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