En croyant bien faire, les progressistes se font quand même remonter les bretelles par encore plus progressistes qu’eux.
Ivan Jablonka a écrit un ouvrage pour dénoncer le patriarcat (Des hommes justes – Du patriarcat aux nouvelles masculinités). Pensant avoir œuvré pour la bonne cause féministe, il attendait des acclamations. Catastrophe ! Mme Camille Froidevaux-Metterie, professeure à l’université de Reims, gifle la première : « On reste stupéfaite devant la superficialité de l’analyse et le mépris dans lequel sont tenues les autrices qui, depuis des décennies, ont pensé la domination patriarcale ». L’universitaire Marie-Jeanne Zenetti réfute l’affirmation d’autorité de Jablonka qu’« un rapport hétérosexuel “équitable” devrait comporter une stimulation clitoridienne par masturbation, caresse ou cunnilingus. » Depuis, dit-on, Ivan Jablonka relit le Kamasutra, Simone de Beauvoir et les tweets de Caroline de Haas, à la recherche du chaînon manquant à ses travaux sur « les nouvelles masculinités ».
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Verushka Lieutenant-Duval est une professeure à l’université d’Ottawa qui dirige des cours sur l’art et le genre. Pendant un cours sur la théorie queer, elle a eu le malheur d’utiliser le mot « nigger ». Patatras ! Une étudiante est choquée par l’usage de ce mot, la professeure présente ses excuses et propose un débat qui n’aura jamais lieu : une Blanche, lui fait-on savoir, ne peut pas conduire un débat sur une discrimination concernant les gens de couleur. Courageusement, la direction de l’université suspend… la professeure. Après mille courbettes et des excuses réitérées, l’universitaire repentie a pu reprendre ses cours. Elle a promis de ne plus utiliser, en plus du mot « n…. » (nigger ou nègre), le mot « i….. » (indien) : « Mon objectif, ce n’est pas de blesser les étudiants. »
En Caroline du Sud, le professeur Greg Patton a utilisé un mot chinois, « ne-ga », pour illustrer son cours. Aïe ! Certains étudiants ont jugé ce mot trop proche du mot « nigger », ont crié au racisme, ont été affectés au point de préférer « ne pas continuer ce cours plutôt qu’avoir à endurer l’épuisement émotionnel d’avoir un enseignant qui ignore la diversité et les sensibilités culturelles. » Le Pr Patton s’est excusé et a promis de remplacer le mot chinois par un mot… portugais.
Le délit de réappropriation culturelle
Jeannine Cummings et Kate Elizabeth Russel sont deux romancières américaines. La première a écrit un livre dépeignant l’aventure d’une mère mexicaine et de son fils pour entrer aux États-Unis (American Dirt). Malheur ! Mme Cummings n’étant pas mexicaine, 140 de ses confrères lui sont tombés sur le râble pour dénoncer une « réappropriation culturelle ». Le téméraire éditeur a immédiatement annulé la tournée de promotion de l’ouvrage. La deuxième a écrit un livre racontant l’histoire d’une élève de 15 ans sexuellement abusée par son professeur (My dark Vanessa). Certaines de ses consœurs dénoncent une romancière qui, n’ayant apparemment pas subi elle-même de violences sexuelles, s’approprie « la souffrance des vraies victimes. » Du coup, Dame Russel a dû rédiger un communiqué pour dire qu’elle s’était inspirée de ses « propres expériences d’adolescentes avec des hommes plus âgés », et que, donc, elle savait de quoi elle parlait.
Anne Hathaway incarne, dans le film adapté d’une œuvre de Roald Dahl The Witches, une sorcière à trois doigts. Misère ! « De nombreuses personnes souffrant d’un handicap sur certains membres » ayant été blessées, l’actrice s’est confondue en excuses plus plates les unes que les autres : « En tant que personne qui déteste vraiment, vraiment la cruauté, je vous dois à tous des excuses pour la douleur causée. » Excuses acceptées par le Lucky Fin Project, organisation américaine qui « existe pour sensibiliser et célébrer les personnes nées avec une différence de membre. » Ouf !
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Sia est une chanteuse australienne qui a mis en ligne la bande-annonce de son futur film Music dans lequel la danseuse Maddie Ziegler joue une autiste. Horreur ! Des organisations anglaises et américaines ont reproché à Sia de ne pas avoir recruté « un comédien sur le spectre de l’autisme. » (sic) De plus, elle a utilisé les termes « individus à capacités particulières » pour désigner les autistes et autres handicapés. Catastrophe ! Les organisations ad hoc y ont vu un signe de mépris envers les personnes handicapées et autistes. L’actrice sourde Marlee Martin demande à la chanteuse de ne « pas être sourd à ce qu’ils ont à dire. »
Un homme blanc utilise le mot « lynchage » pour décrire le lynchage d’un policier, une femme noire lui tombe dessus à coup de victimisation mémorielle. L’homme blanc, ici, @julienbayou, en bon soumis se confond en excuse et se lance dans une autocritique lunaire. #lynchage pic.twitter.com/zyBAJn4p9e
— MEHDI AIFA (@Mehdi_Aifa_AJR) November 29, 2020
La sortie de piste de Julien Bayou
Julien Bayou (EELV) a parlé de « lynchage de policiers à Bastille » dans un tweet. Ouille ! La réalisatrice indigéniste Amandine Gay lui a vertement signalé que le terme de « lynchage » est réservé aux personnes noires, et que « son usage par des personnes blanches […] conduit à effacer l’expérience et les souffrances des personnes noires. » Non seulement Julien Bayou s’est excusé mais il a également remercié Mme Gay « d’avoir pris le temps d’une explication de texte argumentée. » Il est « preneur d’un échange pour déterminer comment qualifier le fait qu’une foule s’en prenne à un policier. » J’aimerais beaucoup entendre cet échange-là par exemple.
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Fini de rire ! s’exclamait Philippe Muray qui avait vu venir ces tristes figures. Ne nous reste plus que le rire jaune, celui qui naît à la lecture des aventures sinistres de ces progressistes pas assez progressistes qui se font morigéner par de plus bêtes qu’eux.
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