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Grand-Guignol dans la 42e rue


Grand-Guignol dans la 42e rue

Bien connu des amateurs de cinéma fantastique et horrifique, Frank Henenlotter n’a pourtant pas été, à ce jour, adoubé par la majorité des cinéphiles comme certains maîtres du genre (Craven, Carpenter, Hooper…). Pourtant, à l’instar de Joe Dante ou de John Landis, il fait partie de ces réalisateurs cinéphiles, biberonnés aux séries B et Z des années 50/60 qui ont cherché, par la suite, à perpétuer cet esprit du cinéma d’exploitation.

En 1982, le cinéaste n’a que 32 ans et signe avec Basket case un beau fleuron du cinéma gore et grand-guignolesque. Henenlotter narre les aventures de frères siamois séparés dans leur enfance. L’un a un visage tout à fait normal tandis que l’autre est une sorte d’entité monstrueuse, homme tronc pourvu de mains griffus et de dents particulièrement tranchantes. Duane traîne donc son frère siamois dans une malle en osier et les deux élaborent un plan pour se venger des médecins qui les ont, autrefois, séparés…

Le film s’inscrit dans la lignée du cinéma d’exploitation gore d’Hershell Gordon Lewis (Blood feast) avec des scènes sanglantes assez marquantes : doctoresse au visage ravagé par des bistouris, corps coupé en deux à la scie circulaire sans oublier la scène assez hallucinante où le monstre tue la petite amie de son frère et la « viole ». Henenlotter en rajoute dans les jets d’hémoglobine et les apparitions de la créature. Avouons d’ailleurs que les effets de « stop-motion » utilisés pour faire bouger le monstre ont un peu vieilli et que la bestiole est plus risible qu’effrayante. Mais l’humour noir est une dimension essentielle du film, à l’image de ce moment où le frère siamois se cache… dans la cuvette des toilettes. Quand il en ressort, on songe d’ailleurs à une scène que l’on retrouvera dans Street Trash puisque la créature a un peu la même tête que le clochard qui « fond » sur son trône. Anecdote amusante : on trouve au générique de Basket case (assistant au son) un certain… Jimmy Muro, le futur réalisateur de Street Trash.

L’aspect horrifique du film, aussi amusant soit-il, n’est cependant pas ce qu’il y a de plus intéressant dans Basket case. Ce qui fait toujours sa force, 35 ans après sa réalisation, c’est l’ancrage réaliste du récit. Henenlotter, à l’instar de Lustig et Ferrara, est un cinéaste new-yorkais adepte des bas-fonds et de la 42e rue. Il nous plonge donc dans l’univers interlope d’un hôtel borgne où l’on croise des prostituées et toute sorte de marginaux.

Ce décor, c’est également celui de Frankenhooker, hilarante variation autour du thème de Frankenstein. Parce qu’il voit un beau jour sa fiancée se faire découper en morceau par une tondeuse qu’elle venait d’offrir à son père, le jeune Jeffrey Franken décide de réfléchir à un moyen de recomposer le cadavre et de lui redonner vie.

Le film débute comme une satire à la Tim Burton de l’existence dans les petites banlieues pavillonnaires. Jeffrey, à l’instar des héros de Basket case et de Brain damage, nourrit une sorte de créature monstrueuse (un cerveau avec un œil) sans que cela ne semble choquer quiconque. De la même manière, sa fiancée prétend qu’elle va épouser… son frère, inscrivant une nouvelle fois le film dans la thématique des liens compliqués du sang.

Mais très vite, le film retrouve l’univers sordide des bas-fonds new-yorkais lorsque le petit provincial décide, pour reconstituer sa bien-aimée, de récolter des morceaux de prostituées. On ne s’étonnera pas, entre parenthèses, que Frank Henenlotter ait intégré la « galaxie Glickhenhaus » (producteur du film) puisqu’on retrouve cet ancrage réaliste dans les rues de la grosse pomme.

Mais contrairement aux thrillers urbains de l’auteur de Blue jean cop, Frankenhooker est un film d’horreur complètement délirant, alliant les caractéristiques criardes du cinéma d’exploitation (érotisme agressif, horreur sanglante…) et l’hommage sincère au grand classique de James Whale La Fiancée de Frankenstein.

Pour récupérer des pièces de choix, Jeffrey invente une nouvelle sorte de crack qui fait littéralement exploser ceux qui en consomment. Comme dans Brain damage, Henelotter file la métaphore sur les effets ravageurs de la drogue pour en proposer une version grand-guignolesque.

Suite aux multiples démembrements des filles de joie, Jeffrey joue les apprentis sorciers et tente d’assembler les morceaux. Là encore, Henenlotter ne recule jamais devant l’humour le plus noir, notamment lorsque son héros lime un pied garni d’oignons ! La résurrection d’Elizabeth donne lieu à des scènes très drôles puisque la comédienne, Patty Mullen, s’en donne à cœur joie dans les mimiques grotesques, quelque part entre la (fameuse) fiancée de Frankenstein et Nina Hagen. L’une des scènes les plus représentatives du cinéma d’Henenlotter est celle où elle se retrouve dans le métro new-yorkais au milieu d’une faune abasourdie. Dans ce court moment, le cinéaste prouve à la fois son penchant coupable pour le Grand-Guignol et l’horreur carnavalesque (sa galerie de prostituées hystériques est vraiment très drôle) mais aussi pour un ancrage réaliste dans les bas-fonds sordides de New-York.

D’une certaine manière, ses créatures monstrueuses sont de la même famille que tous les freaks qui peuplent les rues de la ville : prostituées, drogués, pervers, marginaux, doux rêveurs… Et c’est cet attachement à cette petite communauté de dingues qui fait le prix de l’œuvre délirante de Frank Henenlotter…

Basket case (1982) et Frankenhooker (1990) de Frank Henenlotter, Éditions Carlotta Films, sortie en DVD le 24 août 2016.

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est cinéphile. Il tient le blog Le journal cinéma du docteur Orlof

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