Pour s’attirer les faveurs de Marine Le Pen, Michel Barnier renonce à augmenter les taxes sur l’électricité, s’engage à revoir à la baisse l’AME et annonce pour le début du printemps un projet de loi visant à introduire la proportionnelle dans le scrutin législatif. La chef de file des députés RN fera savoir lundi si elle revient sur sa décision de censurer le gouvernement ou non. Le RN se place au centre du jeu politique français.
Ce qui se passe entre le Premier ministre et le Rassemblement national, entre Michel Barnier et Marine Le Pen enfin sortie des débats du procès des assistants parlementaires, ne relève-t-il pas du degré zéro de la politique ? On avait cru comprendre qu’une sorte d’empathie initiale avait été exigée par Marine Le Pen et acceptée par Michel Barnier, tout au long de ces mois où le Premier ministre confronté à une tâche extrêmement difficile n’a pu compter que sur le concours irréprochable d’un ministre de l’Intérieur hors du commun. Le citoyen s’est donc étonné de l’absence totale de bienveillance politique concrète de la part du Premier ministre à l’égard du RN. Abstention regrettable dont les conséquences délétères apparaissent ces derniers jours.
Michel Barnier a eu trop de retard à l’allumage, a formulé des propositions et des adoucissements en toute dernière extrémité et Marine Le Pen s’est abandonnée avec une volupté sadique à une stratégie d’humiliation, jusqu’à poser un ultimatum qui expirera le lundi 2 décembre. Du côté du Premier ministre, sur l’électricité et l’AME, on a concédé beaucoup mais je ne suis pas sûr que ce soit jugé suffisant par le RN qui me semble abuser de la position décisive que le jeu parlementaire donne à son groupe.
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Même si LFI n’a véritablement aucune leçon à dispenser, Manuel Bompard n’a pas tort de mettre en cause l’étau ostentatoire dans lequel se place un Premier ministre soumis aux fluctuations et à l’humeur changeante du RN adepte du supplice chinois. Je dénonce ce vaudeville qui serait risible s’il ne se rapportait pas à un pays plongé dans une crise multiforme. Il convient d’en rappeler l’origine qui est à la fois la dissolution absurde décidée par le président et l’état dans lequel celui-ci – à l’exception du registre international où il n’a pas démérité – a laissé se dégrader la France.
J’éprouve d’autant moins de mal à regretter en même temps ce retard et ce sadisme que le premier aurait pu être évité si des mesures jugées pertinentes aujourd’hui avaient été proposées hier et que le second n’est pas digne d’un parti qui a surmonté victorieusement les billevesées sur l’arc républicain où il était sans y être, où il n’était pas tout en y étant. J’ai toujours défendu l’équité politique et parlementaire et jugé choquantes les discriminations à son égard. Mais je ne me résous pas à voir un Premier ministre payer de cette manière, en quémandant trop tard parce qu’il avait été muré avant, un rapport de force constituant le RN comme un bourreau validé par sa victime potentielle.
Face à ce paysage tellement singulier, à ces manœuvres à ciel ouvert, à ce commerce vulgaire montrant aux citoyens, comme pour les dégoûter encore plus, à quel point la politique est sale et la démocratie dévoyée, on en est presque conduit à aspirer à la netteté d’un bouleversement total. Puisque nous sommes confrontés au degré zéro de la politique, pourquoi ne pas repartir d’un bon pied républicain en remettant la politique à zéro ?