Panique morale dans la presse ce matin, où l’on feint de croire que le gouvernement de Michel Barnier est affreusement conservateur
À peine nommé, le gouvernement Barnier provoque la polémique. La chasse aux sorcières réacs est ouverte. C’est l’acte II de la comédie antifasciste. Il y a deux mois, on luttait contre le fascisme imaginaire du Rassemblement national. Aujourd’hui, la gauche et le centre hurlent au retour de l’ordre moral.
Dans leur ligne de mire, une dizaine de ministres trop conservateurs, c’est-à-dire trop cathos, en particulier Bruno Retailleau (lequel, entre autres crimes, a été autrefois proche de Philippe De Villiers). Les médias de gauche, toujours prompts à assurer la police de la pensée, dressent la liste noire : il y a ceux qui ont voté contre le mariage pour tous, ceux qui étaient contre la constitutionnalisation de l’IVG, ceux qui ont signé une tribune favorable à l’école privée (il va falloir dénoncer tous les Français qui y inscrivent leurs mômes). Il ne manque qu’un ministre amateur de corrida !
Libération, organe central de la gauche culturelle, titre ce matin sur le « pacte réac ».
Le Premier secrétaire du Parti socialiste Olivier Faure dénonce un gouvernement réactionnaire en forme d’ « insulte à la démocratie ». Quant aux néo-féministes, elles sont déchaînées. Selon la militante Caroline De Haas, « Macron donne le pouvoir à des anti-IVG, des homophobes et des transphobes ». Plus étonnant, l’ancien Premier ministre Gabriel Attal somme le nouveau de s’engager à ne pas toucher à la PMA et aux droits des LGBT. Ce que Michel Barnier a d’ailleurs fait sans barguigner sur France 2 hier soir.
Peut-on comprendre ces inquiétudes ?
Non. Je ne les comprends pas et je ne les crois pas parce qu’eux-mêmes n’y croient pas. Cette question sociétale est un leurre, une diversion.
Personne n’a l’intention de revenir sur le mariage pour tous ou de restreindre le droit à l’IVG. Et tout le monde le sait. Mais pour tous ces beaux esprits, la liberté de pensée, c’est quand on pense comme eux. Tous ceux qui osent afficher des opinions conservatrices devraient être éliminés de la vie publique. Précisons par ailleurs qu’on pouvait être contre le mariage pour tous sans une once d’homophobie. Qu’on a le droit d’être personnellement hostile à l’IVG, sans vouloir la remettre en cause. Qu’on a le droit d’être pour la prudence s’agissant de changement de sexe d’adolescents. Et enfin qu’on devrait avoir le droit d’être catho sans se faire traiter de noms d’oiseau.
On ne sait pas qui la gauche et l’Attalie comptent mobiliser avec ces sujets dont la majorité des Français se fiche éperdument. Gabriel Attal veut-il se poser en patron des futurs frondeurs qui entendent mener la vie dure à Barnier ? Peut-être veut-il rappeler que, s’il s’apprête à soutenir un gouvernement de droite, et probablement à voter un budget d’austérité, il est toujours dans le bon camp, le camp progressiste. Pour l’intérêt du pays, on repassera.
Cette chronique a d’abord été diffusée sur Sud Radio
Retrouvez Elisabeth Lévy dans la matinale de Jean-Jacques Bourdin