Accueil Féminisme Barbie, la mauvaise blague

Barbie, la mauvaise blague

Il faut croire que le public aime la bêtise et l’ennui


Barbie, la mauvaise blague
Barbie et Ken. ©/AP/SIPA

Le film Barbie a fait couler beaucoup d’encre. Est-ce un chef-d’oeuvre féministe ou encore un sous-produit du système patriarcal? Ou autre chose?…


J’ai voulu comprendre pourquoi tant de public – plus d’un milliard de dollars, c’est la recette récoltée en trois semaines par le film, 4,400 000 entrées en France – dont certains parmi les spectateurs ayant des avis d’une grande finesse sur le cinéma, sont allés le voir.

Le film est signé Greta Gerwig, coqueluche du cinéma indépendant américain, actrice adorée et réalisatrice de quatre films dont les surestimés Lady Bird (2017) et Les Filles du Docteur March (2019), adaptation du roman de Louisa May Alcott et remake progressiste de l’excellente version de George Cukor (1933).

Barbie est une comédie musicale pop, molle et hystérique à la fois, desservie par ses couleurs criardes, le rose et le bleu nauséeux omniprésents et ses scènes musicales ratées. Après sa comédie dramatique médiocre, Greta Gerwig massacre la comédie musicale, un des genres d’excellence du cinéma américain de l’âge d’or.

A lire aussi : Barbie et notre féminisme en plastique

Mais l’intérêt est ailleurs, car le film réussit le pari d’être à la fois une publicité pour vendre des jouets Barbie et une comédie à la fois féministe et contre-féministe sur la grande bêtise et la vulgarité de notre époque. Le film nous conte comment, vaccinés aux idéologies en vogue aux États-Unis qui ont malheureusement gagné notre vieille Europe déclinante, Barbie devient féministe et Ken découvre le patriarcat.

C’est d’une bêtise sidérante qui atteint par moments un comique involontaire lorsque Ken, joué avec talent par un Ryan Gosling, excellent dans le registre de l’imbécile phallocrate falot, recherche des livres sur le patriarcat, mot qui revient plusieurs fois dans le long-métrage, ce qui ravit la militante Camille Froidevaux-Metterie, féministe phénoménologique. Dans Télérama, elle déclare que: « La pop culture est aussi un soft power. Certes, elle est une façon triviale et sans doute insuffisante de véhiculer les idées féministes, mais elle permet des discussions et suscite des questionnements […]. Les principaux mécanismes du patriarcat sont dépeints de manière grotesque, comme pour mieux les dénoncer ».

Quant à Barbie la féministe, interprétée par Margot Robbie, c’est une Barbie comme les autres, comme peuvent l’être beaucoup de toutes les femmes politiques, journalistes et autres autrices qui surfent sur les idéologies progressistes. Elle est jolie, sucrée, sans substance et féministe, et rêve de devenir une humaine classique, forcément classique. Tout cet étalage de féminisme pour les nuls comme le dit Sophie Bachat est écœurant et grotesque. Mais c’est le parfait reflet de notre société contemporaine, moderne, progressiste et stupide, et c’est révélateur de l’état de déliquescence du cinéma de spectacle Hollywoodien.

A lire aussi : Dégenrés au berceau

En revanche, Victoire Tuaillon, journaliste et auteur française (1) pense (toujours dans Télérama) que « Pour montrer la réalité du patriarcat, il aurait fallu des Kens violeurs, violents…, Mais ça n’était pas possible dans un film comme ça ».

Il ne s’agit pas pour la société Mattel de produire un film subversif, mais de faire amende honorable, de se mettre au diapason des idées du moment afin de continuer à vendre plein de poupées Barbie, féministes s’il le faut. Barbie est donc un film cinématographiquement sans intérêt et un objet sincère et cynique, tant du point de vue sociologique que marchand. On y rit un peu, on s’y ennuie beaucoup et surtout on y perd son temps. Mais il faut croire que le public aime la bêtise et l’ennui…

(1) Elle a créé et anime notamment le podcast, « Les couilles sur la table », qui s’intéresse à la construction des masculinités sur Binge Audio.



Vous venez de lire un article en accès libre.
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !

Article précédent Le Lac déconne et Marat
Article suivant Jean-Jacques Goldman : heureusement, il n’est pas comme nous…
est directeur de cinéma.

RÉAGISSEZ À CET ARTICLE

Pour laisser un commentaire sur un article, nous vous invitons à créer un compte Disqus ci-dessous (bouton S'identifier) ou à vous connecter avec votre compte existant.
Une tenue correcte est exigée. Soyez courtois et évitez le hors sujet.
Notre charte de modération