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Banquiers en prison, laïcité au balcon


Banquiers en prison, laïcité au balcon

lyon turin smic

Résumons de manière synthétique le social-libéralisme actuellement au pouvoir : le même jour, les députés socialistes ont retiré la taxe à 75% pour le club de Monaco et Michel Sapin a annoncé une augmentation de 10 centimes du Smic horaire.

C’est vrai. Si les députés n’avaient pas exempté l’AS Monaco, les joueurs auraient pu menacer de partir jouer dans un paradis fiscal. Ou Monaco aurait pu quitter le championnat de France. On ne s’en serait pas remis. 10 centimes en plus pour le Smic horaire. Ça ne met même pas l’heure à 10 euros. 9,53  pour être précis. Un joueur de Monaco, il ne sait même plus à quoi ça ressemble un billet de 10 euros. Si ça se trouve, il ne sait même pas que ça existe, des coupures aussi petites.

En même temps, est-ce bien prudent une telle augmentation du Smic ? Les smicards ne risquent-ils pas de tout claquer en prostituées, cocaïne et voitures de sport ?

On vit une époque formidable. Le 16 novembre dernier, lors d’une manifestation assez violente, dans le Val de Suse, en Italie, contre la ligne de TGV Lyon-Turin qui est inutile et risque de dévaster une région magnifique, une des manifestantes a embrassé sur la bouche un policier anti-émeute. Le policier antiémeute a porté plainte pour intimidation sexuelle. On souhaite que lui et sa famille se remettent du traumatisme et puissent retrouver une vie normale. La manifestante a vraiment eu un comportement scandaleux. Un bon pavé dans la tronche, ou un cocktail Molotov, ça aurait quand même été mieux. Ils ne sont pas habitués aux baisers, les policiers anti-émeutes, surtout dans la vallée de Suse où la lutte dure depuis des années, mêlant activistes décroissants et population locale qui inventent de nouveaux modes de résistance et de coopération. Comme, en France, sur le chantier de Notre-Dame-Des-Landes. Se dire que loin des médias, ces mouvements s’enracinent et renouvellent une opposition concrète au système néo-libéral qui s’occupe de moins en moins de l’avis des peuples, ça vous rend le moral après les incessantes bisbilles du Front de gauche que Mélenchon n’a de cesse de vouloir faire imploser puisque les communistes ne sont pas le petit doigt sur la couture du pantalon.

On en parle trop peu, mais cette résistance que l’on trouve dans le Val de Suse ou à Notre Dame des Landes, elle s’est exprimée et elle a gagné à l’échelle de tout un pays. Non, pas au Venezuela mais, plus près de chez nous, en Islande, le pays des volcans facétieux, des grandes blondes et du polar lent. Les Islandais ont fait une véritable révolution en refusant de payer les conséquences de la crise financière de 2008. Ils ont viré leur gouvernement à plusieurs reprises, renversé leur parlement, réécrit leur constitution et refuser de rembourser les dettes de leurs banquiers. Mieux, ils les jugent : trois anciens dirigeants de la banque Kaupthing, ont été condamnés pour fraude, jeudi 12 décembre. Et ça ne rigole pas : l’ancien directeur général, Hreidar Mar Sigurdsson, a été condamné à cinq ans et demi de prison, et l’ancien président, Sigurdur Einarsson, à cinq ans. L’ancien directeur de la filiale luxembourgeoise, Magnus Gumundsson  a été condamné à trois ans et demi d’emprisonnement. Une peine de trois ans de prison a également été prononcée contre un actionnaire important, Olafur Olafsson. L’Islande, plus de 300 000 habitants et seulement 42 détenus va finir par être le seul pays au monde à être obligé d’agrandir son unique prison pour y mettre des banquiers. 

Un modèle pour nous tous, non ?

Le 13 décembre, à Lille, à l’initiative des Vétérans du Parti et des Jeunesses Communistes, il y a eu une belle rencontre autour de la laïcité en présence d’Anicet Le Pors et de Michelle Demessine. Je suis trop vieux pour faire encore partie des seconds et trop jeune, mais ça ne durera plus, pour faire partie des premiers. J’ai eu vingt ans dans les années 80, plus personne ne faisait de politique et encore moins en adhérant au PCF.

L’exposé d’Anicet Le Pors a été éblouissant, pendant plus d’une heure, sans la moindre note. Quand on pense que cet ancien de la « bande des quatre » ministres du Parti du gouvernement Mauroy a aujourd’hui 82 ans, on se dit que le communisme, ça conserve.  Plaisir aussi de se retrouver physiquement à côté un homme qui a écrit une partie de l’histoire récente, qui a vécu aux premières loges les trois seules années de gauche au pouvoir que la France ait connues depuis la fin de la guerre. Un homme qui a participé aux négociations du Programme Commun, pour les questions industrielles. Un homme qui a connu Marchais et Mitterrand s’engueulant autour d’une table.

Pendant le débat, Anicet Le Pors a remis à sa place quelques jeunes camarades légèrement contaminés par le gauchisme sociétal qui trouvaient que le voile c’était pas un problème, qu’il fallait être tolérant, tu vois, quoi, que la loi de 1905, enfin tu vois, quoi, il faudrait peut-être la repenser, tu vois, quoi.

Ça a été un non ferme, définitif, argumenté. Ce qu’il faut retenir de sa riche conférence, que l’on pourra lire sur son blog, c’est qu’il ne faut laisser personne, à l’extrême droite ou chez certains communautaristes, récupérer le sujet pour des raisons électoralistes qui sont à la fois inverses et complémentaires : focaliser évidemment sur la question de l’islamisme, histoire d’oublier tout le reste, ce que souhaitent aussi bien l’extrême droite identitaire que les barbus. Et comme par hasard, tout ce petit monde finit toujours par rajouter à chaque fois un adjectif ou un complément de nom au beau mot de laïcité afin de la diluer ou de la détourner. « Laïcité ouverte », « laïcité de combat », « laïcité positive » ?

Non : il y a la laïcité. Point à la ligne.

 

*Photo : FAYOLLE PASCAL/SIPA. 00654906_000018..



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