Un jour Claude Allègre découvrit le mammouth. L’animal était gros, très gros, et tirait sa force de son inertie. Depuis, il est devenu énorme, boursouflé. Du mammouth on croit tout savoir. Une ribambelle de pédagogues obtus s’exprimant dans une langue qu’ils sont les seuls à comprendre. Des syndicats qui veulent toujours moins d’élèves et toujours plus de profs. Des enseignants qui font ce qu’ils peuvent et – on les comprend – qui ne redoutent rien tant que d’être mutés dans le 93.
On croit tout savoir, mais on oublie les élèves. Quoi ? Des enfants seraient-ils responsables de quoi que ce soit ? Il y a longtemps, la Zazie de Queneau voulait être instit « pour faire chier les gamins ». Aujourd’hui, il y a des gamins par dizaines de milliers qui vont à l’école « pour faire chier tout le monde ».
Pour eux – et aussi, bien sûr, pour leurs parents –, un gouvernement de gauche, celui de Michel Rocard, créa le Haut Conseil à l’intégration. Un autre gouvernement de gauche, celui de Jean-Marc Ayrault, le supprima en 2012. C’est que le HCI avait, l’année précédente, commis le crime des crimes : dire la vérité sur certains élèves. Un rapport qui montrait comment les territoires perdus de la République avaient gagné du terrain fut son arrêt de mort.[access capability= »lire_inedits »]
On y apprend que dans certaines villes comme Clichy-sous-Bois, Aubervilliers ou La Courneuve, plus des trois quarts de la jeunesse est d’origine étrangère ; qu’il n’était pas rare d’avoir des classes du primaire et des collèges « entièrement composées d’élèves d’origine étrangère partageant la même confession » ; que « la montée du fondamentalisme et du communautarisme ouvre la porte à des contestations de cours de plus en plus nombreuses » ; que de nombreux enseignants d’histoire ont du mal à aborder le fait religieux, la Shoah, le Proche-Orient ; que, en cours de sciences, « l’évolutionnisme est remis en cause au profit d’une action divine ou créationniste ». Voilà. Le HCI n’était pas, que l’on sache, une officine du Front national, un organisme tenu en sous-main par les Identitaires ou Riposte laïque. Parmi ses membres, on comptait Malika Sorel, Yazid Chir, Mohand Hamoumou, Nacer Meddah, Abdelwahab Meddeb… Sur le site du HCI, on peut lire que cet organisme a cessé d’être en 2012. Mais rien n’a été effacé, pas même le rapport. Du temps de Staline on supprimait toutes traces visibles des ennemis du peuple. Le PS a encore à apprendre…
Osons ici un mot tabou : le choc des civilisations ! Le livre de Samuel Huntington a été publié bien avant les attentats du World Trade Center. Depuis, plus les événements confirmaient sa thèse, plus les flics de la pensée protestaient. Pourtant, le choc des civilisations, nul besoin d’aller le chercher dans les montagnes de l’Afghanistan, dans les zones tribales du Pakistan, dans la charia, dans la burqa, près des églises coptes qui brûlent, dans les fatwas, dans les lapidations… Il est ici. Chez nous. Au coin de la rue. Dans les villes, les quartiers et les écoles que citait le Haut Conseil à l’intégration.
Que dire de plus ? Qu’aucune fatalité génétique ou raciale ne pèse sur les gosses issus de l’immigration. En CM1, mon fils avait une amie du nom de Fathia. Surdouée, brillante, appliquée. Une famille modeste, très modeste. Sa mère lui répétait souvent : « Tu es arabe, alors tu dois travailler deux fois plus, deux fois mieux que les autres. » Ainsi avaient fait, de génération en génération, les petits Juifs venus de l’Est, les petits Portugais, les petits Espagnols… Ils ne s’en sont pas portés trop mal.
Fathia sauta une classe et se retrouva, un an avant mon fils, gamin privilégié, au collège. Ce fut un cauchemar. Elle était de nouveau première ! Et les élèves issus de la même cité qu’elle la harcelèrent jour après jour. Elle fut régulièrement traitée d’« Arabe blonde » : l’équivalent de « bounty », utilisé pour les « traîtres » par certains enfants d’origine africaine. Comment, elle, une Arabe, pouvait-elle, osait-elle, être première ? Avec Fathia, c’est Mozart qu’on assassinait…
Fathia fit une dépression, sa mère alerta les profs. On ne fit rien, il ne fallait pas « stigmatiser »… Fathia a été retirée du collège. Elle est allée dans un établissement catholique. Toujours première, toujours aussi brillante. Il y a plus de quatorze ans parut un petit livre intitulé Les Territoires perdus de la République. Il disait déjà tout ce qui devait arriver à Fathia. Depuis, la République a encore perdu beaucoup de territoires.[/access]
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*Photo : FREDERIC DEFOSSEZ/SIPA. 00665234_000007.
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