Le capitalisme achève de ravager la planète et de détruire les vieilles solidarités sans vraiment rencontrer de résistances. Chez nous, pendant que la présidente fait un discours fleuve sur un bébé panda, les premiers SDF meurent de froid dans la rue, comme d’habitude.
La « perversion » est une diversion
Evidemment, le capitalisme ne veut pas qu’on en parle, de tout ça, qu’on s’y intéresse de trop près. Alors le capitalisme a une diversion bien pratique. C’est l’Ordre Moral. L’Ordre Moral dit ce qu’on peut lire, voir, aimer et ce qu’on ne peut pas. Comme, dans la France macronisée, le capitalisme sauvage est en pleine forme, l’Ordre Moral aussi. Ces deux-là marchent la main dans la main. Ces jours-ci, où nous sommes en train de devenir des Américains comme les autres, l’Ordre Moral a pris pour compliquer les choses l’allure a priori progressiste d’un néo-féminisme post-weinsteinien qui, au nom des violences faites au femmes (assez peu néanmoins dans le domaine salarial), étend sa croisade désormais au domaine de l’art: littérature, cinéma, peinture.
La petite cuillère n’existe pas
Non seulement l’art qui se fait aujourd’hui mais aussi l’art qui s’est fait hier. Dernier épisode en date, à New-York, mais ça ne saurait tarder par ici, une Ordeuse Morale a initié une pétition pour que le MOMA cesse d’exposer Thérèse rêvant de Balthus à cause « de ce que ce tableau insinue ». Mais il insinue ce que vous y voyez madame Mia Merrill, vous qui dites vous inscrire dans le sillage de #metoo et ce que vous y voyez n’a pas (encore) force de loi mais dit beaucoup de votre rapport au sens, à la beauté, à la liberté.
Ne rigolez pas, Nabokov et Proust, votre tour arrive… Le sursis, c’est parce que la littérature, ça demande des efforts: il faut lire les livres, tout de même.
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Après, malgré tout, ce que je trouve paradoxal, magnifique et tragique dans cette histoire, c’est que finalement l’Ordre Moral prend l’Art au sérieux. On s’apercevra ainsi de ce qu’on perd au fur et à mesure qu’il l’effacera de nos mémoires.
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