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Une renaissance!

Ballet du Théâtre San Carlo de Naples, à l’Opéra de Versailles


Une renaissance!
© Luciano Romano

Le Ballet du théâtre San Carlo de Naples se produit en France pour la première fois. Une occasion unique de découvrir cette compagnie mythique qui revient de loin. C’est ce week-end, sur la scène de l’Opéra royal du château de Versailles.


C’est une grande première ! Une première historique, même, pour le Ballet du Teatro di San Carlo, l’Opéra de Naples, le plus illustre des théâtres lyriques italiens avec la Scala de Milan, mais aussi l’une des plus belles salles du monde, exaltée par Stendhal. Une première historique, car jamais cette compagnie de ballet instituée à Naples par un Bourbon d’Espagne n’avait été invitée en France. Et mieux encore sur l’Olympe des Bourbons, à Versailles, à l’Opéra royal, cet écrin voulu par Louis XV, deux fois cousin de Charles, roi des Deux-Siciles avant que d’être roi d’Espagne sous le nom de Charles III. Souverain en Italie, Charles, Carlo à Naples, Carlos à Madrid, fut l’instigateur du Teatro di San Carlo, édifié en deux-cent-soixante-dix jours et inauguré le 4 novembre 1737 avec un opéra, Achille in Sciro, sur un livret de Métastase, une musique de Sarro, et où le ballet assumait les divertissements réglés par Francesco Aquilanti, avant, au milieu et à la fin de l’ouvrage.  

Après deux siècles de vice-royautés aiguillées depuis Madrid, puis depuis Vienne, les Napolitains, et avec eux les Siciliens avaient enfin leur propre roi en 1734. Et ce fils de Philippe V d’Espagne, plus tard roi d’Espagne lui-même, allait provoquer, après avoir conquis ses deux trônes, un formidable développement de Naples. La création du San Carlo faisait partie de ce vaste dessein. Charles, roi de Naples, Charles, roi de Sicile et de Jérusalem, Charles enfin roi des Deux-Siciles, n’oublie pas qu’il est Bourbon. À l’image de l’Académie royale de Musique et de Danse voulue par son arrière-grand-père Louis XIV, un théâtre d’opéra et de ballet constitue un élément essentiel de son prestige. Il est aussi Farnèse par sa mère, Elisabeth de Parme. Et sous son règne, comme celui de ses successeurs, le San Carlo s’affirmera comme l’une des scènes les plus prestigieuses d’Europe. Au XIXe siècle, Rossini puis Donizetti y règneront, cependant que le ballet, dans l’ombre du théâtre lyrique, alignera lui aussi quelques grands noms : Salvatore Vigano, Antonio Guerra, Carlo Blassis. Mais aussi Fanny Cerrito, Carlotta Grisi ou Elisa Vaque-Moulin. Ou encore Salvatore Taglioni, directeur du Ballet du San Carlo de 1817 à 1860 et oncle de Marie, prima ballerina à Paris où elle créa La Sylphide à l’Opéra.

Mais ces dernières décennies, le Ballet du San Carlo a sombré dans une accablante insignifiance. On nomme à sa tête des danseurs célèbres, on en invite d’autres plus célèbres pour quelques soirées, selon cette tendance stupide typiquement italienne où, faute de politique artistique intelligente, on se rabat sur un nom connu pour remplir les salles. Quels qu’ils soient, ceux qui dirigent le Ballet du San Carlo, sous le regard dédaigneux du surintendant ou du directeur musical, n’ont sans doute ni les capacités intellectuelles, ni les moyens financiers pour constituer une compagnie et une programmation dignes de ce nom. Et la troupe n’a aucune existence en dehors de Naples et quelques villes de province italiennes.

Quand Stéphane Lissner, ci-devant directeur de l’Opéra de Paris, après l’avoir été du Théâtre du Châtelet et du Festival lyrique d’Aix-en-Provence, est intronisé en octobre 2019 surintendant du San Carlo, la compagnie de ballet est réduite à six danseurs titulaires et à six surnuméraires. Un troupeau juste bon à figurer dans des opéras. On ne saurait traduire avec plus d’éloquence la déshérence de ce ballet napolitain. Mais Lissner qui avait eu sous son autorité l’une des plus brillantes compagnies de danse académique, ne pouvait sans déchoir ne pas redonner un certain lustre au Ballet du San Carlo. Sa politique énergique lui fait nommer une danseuse de l’Opéra de Paris à la direction de la compagne napolitaine.

Clotilde Vayer, première danseuse du Ballet de l’Opéra, et jusque-là l’une de ses plus émouvantes artistes, au profil d’étoile et aux interprétations sensibles et intelligentes, est devenue maîtresse de ballet de la compagnie en 1998, puis maîtresse de ballet assistante à la direction en 2004.


La voilà à pied d’œuvre à Naples en 2021. Sous son impulsion et avec l’appui de Stéphane Lissner, malgré la pandémie qui frappe l’Italie, le Ballet du San Carlo passe en quelques mois de douze à quarante danseurs. Les élus ne sont que des Italiens ! Avec une majorité de Napolitains. Et c’est tant mieux pour l’identité de la troupe. Pour la fierté aussi des Napolitains et des artistes. Tous représentent cette école italienne, et singulièrement napolitaine, qui fut longtemps la seule grande rivale qui comptait face à l’école française. Et c’est d’ailleurs sous leur double influence qu’est née à la fin du XIXe siècle ce qu’on appelle aujourd’hui l’école russe. « Ils sont très fiers de leur identité, souligne Clotilde Vayer. Et c’est bien ce qui confère le style et l’originalité de la compagnie. Ils sont aussi avides de découvertes et dotés d’un enthousiasme réjouissant. » Pour étancher cette soif de nouveauté, cette dernière introduit dans leur répertoire des œuvres néo-classiques certes, mais signées de grands chorégraphes du XXe siècle : Balanchine, Robbins, Forsythe, Van Manen… et reprend à Naples des chorégraphies de Noureïev qui ont fait leurs armes à Paris, Le Lac des Cygnes ou Don Quichotte. La routine pour nous, mais un pas en avant dans cette Italie où la modernité s’est arrêtée avec les avatars du ballet du XIXe siècle, où Roland Petit fait encore figure de moderne et où, seule en son temps, Carolyn Carlson, à Venise, introduira un souffle du XXe siècle.

Il aura fallu faire revenir petit à petit au San Carlo un public qui avec les années avait oublié la danse. En Italie, les impresarii, dont l’univers se borne aux grands ballets du répertoire classique, n’ont pas encore relevé la renaissance du Ballet du San Carlo. En revanche, la compagnie commence à susciter de l’intérêt à l’étranger. En France donc, mais aussi en Thaïlande, en Arabie, en Corée…

À Versailles ce week-end, rien de révolutionnaire dans la programmation. Mais trois belles œuvres de Jerome Robbins, In the Night (Chopin), Afternoon of a Faun (Debussy), En Sol (Ravel). Des œuvres que Clotilde Vayer connaît parfaitement pour les avoir interprétées naguère quand elle était Première danseuse sur la scène du palais Garnier.


Ballet du Theatre San Carlo de Naples. Les 15 et 16 novembre 2024 à 20h, le 17 à 16h. Opéra royal de Versailles ; 01 30 83 78 89 ou www.operaroyal-versailles.fr




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