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Ballard is not dead


Ballard is not dead

Ballard

Disparu en avril 2009 à Londres, J.G. Ballard reste l’un des auteurs les plus prophétiques de notre modernité où la technologie, le panoptisme et la transformation de la planète en une gigantesque banlieue dont le centre n’est plus nulle part ont durablement désenchanté le monde. Ce sont les éditions Tristram, en France, qui se sont chargées d’une réédition méthodique et complète de ses nouvelles en trois volumes. Le deuxième vient de sortir et couvre la période 1963-1970. Il comporte de nombreux textes retraduits ainsi qu’un certain nombre d’inédits comme le terrifiant Soudain l’après-midi, qui tourne autour de la perte d’identité.

[access capability= »lire_inedits »]Hâtivement et paresseusement classé dans les auteurs d’anticipation ou de science-fiction, Ballard, dans sa préface de 2001, fait un sort à cette réputation et nous donne son art poétique qui en fait un héritier direct d’Orwell : « Le futur, faut-il le répéter, est une zone dangereuse lourdement minée, et qui a tendance à se retourner pour vous mordre les chevilles quand vous faites un pas en avant. Un correspondant me faisait récemment remarquer que les verséthiseurs de Vermillon Sands fonctionnent avec du ruban perforé. Et pourquoi tous ces gens branchés vivant dans le futur n’ont-ils pas de micro-ordinateur ou de téléphone portable ? Je pourrais seulement répondre que Vermillon Sands ne se trouve pas du tout dans le futur, mais dans une sorte de présent visionnaire, qualification qui sied à mes nouvelles et à presque tout ce que j’ai écrit par ailleurs. »

On trouvera ainsi, pour l’essentiel, des nouvelles qui sont avant tout des exagérations des lignes de forces de ces années 1960 où le consumérisme, le risque nucléaire, la folie automobile et les délires sexuels annonçaient les prodromes de cette « région du désastre » de nos années 00 s’achevant dans un climat d’asile mondialisé et suicidaire. Quelques joyaux, parmi les 36 textes ici colligés : L’Homme subliminal décrit un univers totalement envahi par la publicité qui conditionne le moindre des comportements jusqu’à retirer tout libre arbitre et recréer de faux souvenirs tandis que L’Ultime plage ou Un lieu et un moment pour mourir sont deux belles fins du monde aussi élégantes que mélancoliques, cette spécialité de Ballard qu’il développera dans des romans comme Le Monde englouti ou Sécheresse. Les cœurs bien accrochés pourront aussi lire Coïtus 80 qui prévoit, dans un catalogue anatomique glacé et ironique, comment le sexe va devenir une simple affaire de reconstruction chirurgicale.

On pourra également redécouvrir le Ballard expérimental, déconstructeur cruel des narrations calibrées, avec des nouvelles issues notamment de La Foire aux atrocités, son livre le plus étrange, matrice de ses romans majeurs que seront Crash et IGH : on appréciera tout particulièrement, et pas seulement pour leurs titres L’Assassinat de John Fitzgerald Kennedy considéré comme une course de descente automobile ou Pourquoi je veux baiser Ronald Reagan.

Indispensable, donc, pour les bibliothèques antitotalitaires de tous les Causeurs.[/access]

Décembre 2009 · N° 18

Article extrait du Magazine Causeur



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