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Balance ton porc… sauf celui de La Chapelle-Pajol?


Balance ton porc… sauf celui de La Chapelle-Pajol?
Une femme marche dans Paris. SIPA. AP21594921_000002

Étonnant, le parallèle fait par la secrétaire d’Etat chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, entre le « harcèlement invisible » sur le boulevard Saint-Germain et celui inquiétant du quartier de La Chapelle-Pajol. Il fallait tout de même oser ! Surtout après le silence des autorités lors des agressions dont furent victimes les femmes dans ce quartier.

On notera avec stupéfaction que la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes du Sénat ne rédigea alors aucun communiqué. Aucune sénatrice, aucun sénateur au sein de cette délégation, toute appartenance confondue, ne s’en est ému. Ayant adressé un mail à la Conseillère en charge du secrétariat de cette délégation pour m’étonner de ce silence, je ne reçus aucune réponse. Collaborateur parlementaire à l’époque, je n’étais pas dans mon rôle. Certes. Mais quel parlementaire a jamais reçu mandat pour se taire devant ces faits ?

La crainte confortable de l’homme politique français

Le progressisme se serait-il emparé de tous les esprits ? Nos parlementaires, désemparés devant la question de l’immigration, s’accorderaient-ils, dans le dos de leurs électeurs, à reconnaître peu à peu la cohabitation sous le même toit de la République de deux mentalités opposées ayant chacune leur cohérence propre ?

Pour un certain nombre d’orientaux (musulmans) de ce quartier Chapelle-Pajol, la femme est inférieure à l’homme, lui doit obéissance, doit rester à la maison et, si elle sort, doit le faire en se voilant. Seule dans la rue, habillée à l’occidentale, elle est une dévergondée qui, contrevenant à l’esprit de sa religion, ne mérite aucun respect. Agressée, elle n’est pas à plaindre et n’a pas à être défendue. Une fois posée l’inégalité hommes/femmes, la suite s’en déduit logiquement.

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Ne pas dénoncer dans un communiqué la multiplication des agressions de ce type, c’est aller plus loin que la seule affirmation du droit à l’existence sur notre territoire de cette religion, c’est reconnaître sa cohérence interne, même quand celle-ci, chez certains de ses fidèles, est en contradiction avec nos principes républicains. C’est vouloir s’abstenir de juger à l’aune de nos valeurs des comportements régis selon d’autres règles et selon une autre conception de la nature des rapports hommes/femmes. C’est craindre de verser dans un ethnocentrisme où tenterait encore de s’affirmer une quelconque supériorité du sujet occidental. Cette crainte est un confort pour l’homme politique. Elle lui permet de ne pas voir ce qu’il voit, ce qui est le propre même de la mauvaise foi… et de l’irresponsabilité.

Balance ton porc… devant la justice

Pour la plupart des occidentaux (chrétiens, au moins par tradition), la femme est désormais l’égale de l’homme. Elle a les mêmes droits que lui, est libre de sortir, de travailler, de mener une vie indépendante. Aussi l’homme ne peut-il en aucun cas et d’aucune façon l’agresser. S’il le fait, il rompt la logique égalitaire propre à la relation hommes/femmes qui est à nos yeux d’occidentaux une évidente avancée de notre civilisation. L’agression est alors sanctionnée.

Le déferlement de dénonciations suscité par le #Balancetonporc que certains jugent nécessaire, d’autres excessif, doit donc trouver impérativement le chemin du droit comme c’est le cas, par exemple, avec la plainte récente pour « viol, agression sexuelle, harcèlement, intimidation » visant un célèbre intellectuel musulman ou avec celle de l’intéressé lui-même qui répond en portant plainte à son tour pour « dénonciation calomnieuse ». Ce qui signifie que l’expression de la légitime revendication des femmes doit se conformer aux principes fondamentaux de notre République et non pas se complaire dans le lynchage qu’appelle trop souvent la nature même des réseaux sociaux.

L’indignation sélective des progressistes

Ce qui est toutefois surprenant dans ce déchaînement si contraire au silence qui entoura hier les agressions de la Chapelle-Pajol, c’est le deux poids deux mesures de ceux qui choisissent avec quels loups hurler, avec lesquels se taire. Sans doute s’explique-t-il chez nombre de professionnels de l’indignation sélective par le désir d’être de parfaits progressistes : d’un côté ne plus tolérer chez les occidentaux que nous sommes le moindre signe d’une quelconque inégalité hommes/femmes, de l’autre tolérer cette inégalité chez les orientaux par souci de ne pas verser dans un ethnocentrisme coupable de ne pas savoir s’ouvrir à la singularité d’autres mentalités dont le droit à la différence serait imprescriptible.

Aussi devient-il urgent de sortir de cette schizophrénie idéologique, en prenant en compte toutes les conduites infériorisant ou dégradant les femmes. Ce qui exige que soit rappelé haut et fort que la République ne se divise pas, qu’elle ne considère qu’une seule logique : celle d’une égalité hommes/femmes entraînant la condamnation de toute atteinte à l’autonomie de la personne, en l’occurrence de la femme, puisque des milliers de tweets ne sont bien entendu pas rien.

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Ancien collaborateur parlementaire, Jérôme Serri est journaliste et essayiste. Il a publié Les Couleurs de la France avec Michel Pastoureau et Pascal Ory (éditions Hoëbeke/Gallimard), Roland Barthes, le texte et l'image (éditions Paris Musées), et participé à la rédaction du Dictionnaire André Malraux (éditions du CNRS).

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