La France est invitée par son avant-garde vigilante à se défaire, une fois pour toutes, de sa singularité et à devenir, au nom de la lutte contre les discriminations, une province disciplinée de l’Amérique néopuritaine.
Dans un petit livre glaçant[tooltips content=’Léon Trostki, Leur morale et la nôtre, avec John Dewey, La Découverte, 2014.’]1[/tooltips] que n’aurait pas désavoué son ennemi mortel Staline, Trotski affirme que la fin justifie les moyens, c’est-à-dire l’abolition de tous les liens juridiques et moraux entre les classes ennemies. Dégrisé de la grande illusion communiste, je ne crois pas pour ma part que l’émancipation puisse en passer par la délation généralisée. Et ce n’est pas, en moi, l’homme au sens masculin du terme qui a eu un haut-le-cœur quand il a appris l’existence du hashtag – « Toi aussi raconte en donnant le nom et les détails, un harcèlement sexuel que tu as connu dans ton boulot. Balance ton porc ! » –, c’est l’être humain civilisé. On nous tympanise, jour et nuit, avec les valeurs, mais le mot de « balance » et la pratique qu’il induit sont contraires à toutes les valeurs de la civilisation. Ce libellé immonde a d’ailleurs suscité le dégoût de nombre de féministes historiques et l’effroi de juristes comme, par exemple, l’avocate Marie Dosé : « Justifier le procédé “Balance ton porc !” par une prétendue défaillance de l’autorité judiciaire ou par la prescription des faits dénoncés, conduit à une forme de despotisme. Une démocratie se doit de combattre l’arbitraire avant l’impunité, parce qu’une culpabilité ne se décrète pas sur les réseaux sociaux, mais se questionne judiciairement. (…) Il ne s’agit pas de dénonciation mais de délation, pas de plaignantes
