La ville de Melun offre une remarquable exposition rétrospective de Kliclo. L’œuvre poétique et grave de cette plasticienne est un parcours à travers l’histoire, des histoires, celles des morts, des vivants et des disparus. Les siens, ceux des autres, ces hommes, ces femmes et ces enfants pris dans la tourmente des siècles et dont l’absence révèle en creux la Mitteleuropa, le monde d’hier, un monde perdu.
Sur la route de cette mémoire, on traverse les rues pavées de Varsovie, on observe des portraits-gouttes retenus aux fines branches d’un arbre desséché ; plus loin, les pages d’un vieux grimoire portant chacune le nom et l’image d’un ami, d’un proche qui n’est plus, s’envolent dans les airs comme arrachées par le Temps. Ailleurs, des petites gravures d’éclairs s’alignent dans un cadre, comme si l’on mettait la foudre dans un herbier.
Les tons d’une palette passée
Sables et gravats, bois vermoulus, métaux rouillés, toiles cousues entre elles mais libres de tout châssis malgré leurs grands formats semblent aussi légers que des escarbilles et plongent le visiteur dans les tons d’une palette passée. Contemplant ces matériaux de rebus, ces traces de quelque chose qui composent toiles et installations, Gabriel Garran « pense à « La Politique des restes » d’Arthur Adamov, obsessionnellement basée sur un monde encombré de déchets. Le charme poétique de Kliclo se faufile entre le vide et la ruine. Son écriture picturale aérienne où des feuillages en torsade suspendus dans le vide à une vision encore festive, des flashs, le dispute à une silhouette au bout d’un fil dont on ne sait si c’est un homme écartelé ou une étoile. »
Déclinant à l’infini notre façon de percevoir, Kliclo se tourne aussi vers le cinéma. Il n’est nullement ici question de vidéos mais de pellicules. Et ses « Pellicules » peintes sur toile brute mesurent des centaines de mètres, s’enroulent et se déploient à raison de « 24 images/regard ». Cette installation monumentale occupe à elle seule le hall évidé sur trois étages de l’Espace Saint-Jean.
Se jouant des échelles, on découvre dans une autre salle de minuscules sculptures faites de papiers brûlés et brindilles résinées, l’on suit la quête de « l’Atlantide » et l’exploration de « Jupiter », gigantesques toiles-fresques auxquelles répondent les vertes profondeurs d’une « Forêt » plus mystérieuse qu’inquiétante, comme pour nous indiquer que c’est peut-être par là qu’il faut aller chercher l’après…
Roulez vite voir « Balades en roues libres », et je ne dis pas ça parce que c’est ma mère !
KLICLO
«Balades en roues libres »
du 25 mars au 27 mai 2017
ESPACE SAINT JEAN
26, place Saint-Jean – 77000 MELUN
-Entrée libre-
espacesaintjean@ville-melun.fr
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