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Aimez-vous la choucroute?

Le film sur Amy Winehouse n’est pas si raté !


Aimez-vous la choucroute?
Marisa Abela dans "Back to Black" (2024) de Sam Taylor-Johnson © Studio Canal

Notre chroniqueuse a-t-elle bien fait d’aller voir Back to Black au cinéma ? Aurait-elle mieux fait de rester chez elle, à réécouter l’album légendaire d’Amy Winehouse sorti en 2006 ? Réponse.


Le film sur la vie de la dernière élue du Club des 27, Amy Winehouse, Back to Black, sorti mercredi dernier, n’a pas bonne presse. Le biopic est un genre cinématographique mal-aimé, et celui-ci ne fait pas exception à la règle. On lui reproche de nous proposer une version d’Amy Winehouse idéalisée, d’éluder ses démons. Cependant, la réalisatrice a pris le parti de nous montrer un aspect de la star plus méconnu: la midinette londonienne qui hantait les pubs pour y écouter de la musique et y trouver l’amour.

Back to Black, aucun rapport avec la choucroute, a carrément titré Libération au sujet du film réalisé par Sam Taylor-Johnson. L’ensemble de la presse est plus que mitigée au sujet de ce film. On lui reproche, notamment, d’être trop édulcoré, et de ne pas mettre assez l’accent sur la noirceur et le tragique du parcours de la chanteuse londonienne (1983-2011). Certains vont même jusqu’à dire que la réalisatrice en a fait une rom-com (comédie romantique) ! Allons, allons…

On sait déjà tout d’Amy Winehouse

Avant d’y aller de ma (modeste) analyse, je voudrais quand même répondre à Olivier Lamm, l’auteur de l’article de Libé précité1. Félicitons d’abord l’auteur de la titraille, digne des plus belles heures de Libération… Mais, qu’est-ce-que l’auteur y connaît, à la « choucroute » ? Qui est-il, pour donner des leçons de rock’n’roll et de tout ce qui va avec ? Il nous joue l’éternelle ritournelle sex, drugs and rock’n’roll, c’est bien ça ? Jusqu’à affirmer que le film est un « condensé d’indécence ». Ce journaliste se pose en expert en « malheurs » et « descente aux enfers », comme s’il était un quelconque dépositaire de l’âme damnée d’Amy Winehouse. Et si c’était plutôt cela, qui était indécent ?

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D’autant plus que le parcours tragique et magnifique de celle que les journaux ont appelé la « diva soul » est déjà très bien montré dans le documentaire d’Asif Kapadia : Amy, datant de 2015. Tout y est : la gloire, la chute, les quantités astronomiques de drogues qu’elle consommait (jusqu’à impressionner Peter Doherty, pourtant expert en la matière), les paparazzis, le boy-friend toxique, le père qui était loin d’être blanc-bleu, les concerts ratés, ceux où les Dieux de la soul music étaient avec elle… Rien ne manque. L’excellent travail accompli par le réalisateur de ce documentaire m’a donc fait douter moi aussi du bien fondé d’un biopic. Qu’allions nous apprendre de plus ?

Il semble que le parti pris de la réalisatrice ait été celui-ci : montrer une autre Amy, moins tapageuse, moins scandaleuse. Celle qui chantait lors des fêtes de famille, qui était championne de snooker, qui avait décoré sa chambre de jeune fille comme une bonbonnière et qui adorait sa grand-mère Cynthia, son « role model » qui lui inspira son look vintage et sa choucroute.

Ils m’ont dit qu’il était mauvais…

L’été 2021, pour commémorer les 10 ans de sa mort, Arte avait diffusé un autre excellent documentaire : Amy Winehouse : Back to Black, que j’avais chroniqué dans ces colonnes. Il s’agissait du making of de l’album aux 16 millions d’exemplaires vendus Back to Black. Le producteur de l’album, Mark Ronson, y parlait de la star comme d’une midinette qui aimait les girls bands des années 60, ceux qui vendaient « des cœurs brisés au kilomètres » et qui nous offraient une musique de juke box qu’Amy écoutait dans les pubs de Nord de Londres lorsqu’elle n’était pas encore célèbre.

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Une des plus jolies scènes du film est la rencontre d’Amy Winehouse avec le fameux Blake Fielder-Civil, ce lad, ce semi-voyou cockney qu’elle voyait comme un demi-dieu. Blake y fait justement jouer au juke-box The leader of the pack, le tube des Shangri-Las. Les yeux d’Amy brillent (excellente Marisa Abela) : « They told me he was bad, but I knew he was sad / That’s why I fell for the leader of pack »2, dit la chanson. Et l’histoire d’amour entre la diva et son bad boy peut commencer…

Ma petite morale de l’histoire : c’est certainement en mettant bouts à bouts les deux documentaires et ce biopic que nous pouvons toucher du bout des doigts ce que fut Amy : une jeune fille rêveuse et frêle, qui abritait en elle une voix d’un autre monde qui a fini par avoir sa peau. À ce titre, le biopic un peu sucré actuellement sur nos écrans n’est pas complètement futile.


  1. https://www.liberation.fr/culture/cinema/back-to-black-le-biopic-damy-winehouse-aucun-rapport-avec-la-choucroute-20240423_4U6DAF5I3JGF5NMXPVQDBTDFGM/ ↩︎
  2. Ils m’ont dit qu’il était mauvais, mais je savais qu’il était triste / c’est pour cela que j’ai succombé au chef de bande. ↩︎



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est enseignante.

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