Le bac en proie au coronavirus: une chance pour Blanquer?
Philippe de Villiers porte plainte contre le ministre de l’Éducation qui veut instituer deux bacs, le tout courant,et en contrôle continu, pour l’enseignement public, et un autre, plus relevé, et en épreuves écrites finales, pour les lycées privés. Contrairement à ce qu’il affirme dans Valeurs actuelles (« On pénalise les meilleurs élèves pour garantir dans la durée la médiocrité de l’Education nationale »), il ne s’agit pas d’un projet discriminatoire (sérieusement, vous imaginez Blanquer stigmatiser le privé ?) mais de la conséquence d’une réalité : tandis que le public était autorisé à diviser les classes de lycée en deux, et d’alterner les groupes, le privé a massivement continué à faire cours en classe entière. Les terminales du privé en savent donc deux fois plus que celles du public, où grâce à la vigilance des syndicats qui soignent leur popularité en effrayant un corps professoral où l’on ne compte aucun décès dû directement au covid-19, ni aucun élève, les programmes sont effilochés et divisés en présentiel / distanciel. Le cru 2021 sera aussi faible et dérisoire que le Bac 2020.
Ce qui suit ouvre des pistes de réflexion sur notre examen national, réduit à peu de choses ces vingt dernières années, et à rien depuis deux ans.
Quand Jean-Michel Blanquer est arrivé rue de Grenelle, il avait un immense chantier devant lui : comment gommer, aussi vite que possible, les effets catastrophiques du ministère Vallaud-Belkacem — et plus globalement de cinq ans d’une gauche qui avait offert tous les leviers de commande à des pédagogistes déjà bien installés. Mme Vallaud-Belkacem avait démantibulé ce qui restait d’enseignement. Mais femme, maghrébine, de gauche, elle possédait toutes les vertus qui la rendaient intouchable aux yeux des syndicats. De surcroît, notoirement incompétente, elle illustrait à merveille le fameux mot de Françoise Giroud : « La femme sera vraiment l’égale de l’homme le jour où, à un poste important, on désignera une femme incompétente. » C’était fait et nous nous en réjouissons…
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Blanquer a peut-être eu tort de ne pas s’attaquer de front à ces chantiers ouverts par son prédécesseur, de la maternelle au lycée. Il a préféré prendre le problème par les deux bouts, en suggérant que les instituteurs devraient désormais apprendre à lire et à écrire aux enfants — une atteinte insupportable aux droits sacrés de l’autonomie pédagogique — et en réformant le bac.
Avec plus de 95% de réussite, le bac 2020 c’est une parodie d’examen. Le cru 2021, issu d’un enseignement à mi-temps où les enseignants n’auront pas traité la moitié du programme, lui ressemblera comme un frère…
La réforme des cursus était indispensable. La section S était devenue un fourre-tout, la section L un débarras. Il fallait certainement revivifier le système, en orientant les « bons en maths » vers une section où ils en feraient pour de bon, et en proposant aux autres des voies parallèles susceptibles de les séduire sans les accabler sous la trigonométrie. Objectif atteint, l’option Spécialité Maths ne garde presque plus en terminale que ceux qui comprennent, ce qui n’est pas une mauvaise chose.
Réformer le bac était une gageure. L’examen était si dévalué qu’il aurait mieux valu, comme je l’ai proposé inlassablement, le remplacer par un Certificat de fin d’études — en le « secondarisant » complètement. Et laisser l’enseignement supérieur, via Parcoursup, faire le tri. Ou, si l’on me passe la métaphore, opter pour la proportionnelle intégrale, en lieu et place du scrutin nominal à deux tours — l’écrit et l’oral.
Blanquer a préféré injecter une dose de proportionnelle dans un système globalement intouché. Les « E3C », ces épreuves intermédiaires passées en première et en terminale, veulent introduire du contrôle continu tout en gardant l’examen final. Les pourcentages adjugés aux uns et aux autres sont aussi byzantins que les propositions de François Bayrou — par exemple mettre les régions très peuplées en proportionnelle, et garder le scrutin uninominal à deux tours pour le reste de la population. Toute solution bâtarde est en soi une mauvaise idée.
Sur ce vint le virus.
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On sait ce qu’il est advenu de la cuvée Bac 2020. Avec plus de 95% de réussite, c’est une parodie d’examen. Le cru bac 2021, issu d’un enseignement à mi-temps où les enseignants n’auront pas, en moyenne, traité la moitié du programme, lui ressemblera comme un frère. Il sera peut-être pire, les élèves sont revenus début septembre avec une appétence au travail singulièrement diminuée par des mois de confinement et de maniement des télé-commandes. De surcroît, savoir que l’an dernier des cancres ont obtenu le bac leur fait revendiquer pour juin prochain le même privilège.
Alors, posons la question. Pourquoi ne pas profiter du désastre dans lequel le covid a précipité le système éducatif pour supprimer carrément cette formalité ? Le bac n’est plus un examen — il n’est même plus un rite de passage. Un parchemin de valeur nulle — qui recrute au niveau bac ? Uber, peut-être. Ou Deliveroo.
Les enseignants, libérés de la perspective d’épreuves peu significatives mais obligatoires, pourraient traiter le programme comme ils l’entendent. Bien sûr, les établissements dominés par les facariens[tooltips content= »Lot-valise composé avec le verlan de cafard et rien, synonyme de pédagogiste NDLR »](1)[/tooltips] n’auraient pas bonne presse. Mais justement, laissons les parents (qui n’auront plus de prétexte pour venir casser la figure des profs) inscrire leurs rejetons où ils le désirent, dans la limite des places disponibles. Ou, comme à Paris, remodelons Affelnet, le logiciel qui dispatche en lycée les élèves de fin troisième, et créons une mixité scolaire en fonction de l’Indice de position sociale du collège d’origine — somme toute plus parlant que la dichotomie boursier / non boursier, surtout dans une capitale peuplée de CSP++.
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Le Bac est un symbole du passé. Le Bac 2021 a autant de rapports avec celui créé par Napoléon, ou avec celui que vous avez passé, que vous-même avec vos ancêtres. Rayons-le d’un trait de plume, et laissons l’enseignement supérieur faire le tri: les meilleurs cursus prendront les meilleurs — comme aujourd’hui —, et les autres modèreront leurs prétentions.
« Ecole à deux vitesses ! » crieront les syndicats. Mais c’est déjà le cas, chers collègues : croyez-vous que les cursus exigeants choisissent les candidats en fonction de leurs notes ? L’établissement d’origine, privé ou public, compte au moins pour la moitié de l’appréciation. J’ai même vu des commentaires déterminants du genre « dans tel lycée, c’est Untel qui enseigne les maths » — parce que nous ne sommes pas tous égaux, figurez-vous.
Il reste un peu plus d’un an à Blanquer pour en finir avec les dépouilles de l’ancien monde. Quitte à être un ministre impopulaire — et c’est très injuste quand on pense au désastre de Vallaud-Belkacem dont personne ne dit mot —, autant imposer une vraie réforme qui permettra d’enseigner sans la menace d’un couperet qui de toute façon n’a plus aucune signification.
En défendant les élèves et etablissements du privé, le brave Villiers mène une fois de plus un combat d’arrière garde. Supprimons le bac!
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