Attention chef-d’œuvre! clame notre chroniqueur. Ah oui? Un film avec Brad Pitt, vraiment? Une exaltation de l’âge d’or d’Hollywood, dans le passage du muet au parlant? Allons donc! Mais on a vu cela dix fois — à commencer par Chantons sous la pluie, non? Ou The Artist? Alors, qu’a donc de plus le film de Damien Chazelle?
Nous savions depuis Whiplash que Damien Chazelle dirige admirablement les acteurs. Et qu’il est le petit génie des plans-séquences, voir ce fabuleux travelling dans la séquence d’introduction de Lalaland. Il a additionné ces deux qualités, si rares dans le cinéma contemporain où l’on détaille toute scène en petits morceaux, faute de pouvoir compter sur des acteurs compétents, pour penser Babylon, qui vous laissera sans voix.
À la sortie du cinéma, le seul mot qui me venait, en boucle, était « virtuosité ». Je sais que dans notre ère de petits esprits raisonneurs, la brillance n’est pas recommandable ; mais Chazelle est un réalisateur brillant, d’un bout à l’autre d’un film qui dure pourtant 189 minutes, que l’on ne voit pas passer.
Le cinéma est étymologiquement ce qui bouge. Et pour bouger, Babylon déménage. Dans la première demi-heure, la séquence de la fête chez Don Wallach (un producteur auquel on a fait la tête de Harvey Weinstein) est une frénésie, un feu d’artifice d’une précision millimétrée : Chazelle, comme jadis les grands artistes
