Ayrault pointé au Quai d’Orsay?


Ayrault pointé au Quai d’Orsay?
Jean-Marc Ayrault. Sipa. Numéro de reportage : 00751409_000005.
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Jean-Marc Ayrault. Sipa. Numéro de reportage : 00751409_000005.

Après Alain Juppé et Laurent Fabius, un troisième ancien Premier ministre consécutif a pris la tête de la diplomatie française en février. Comme si, ayant échoué à gravir la dernière marche du cursus honorum républicain, les anciens locataires de Matignon cherchaient dans les Affaires étrangères un moyen de rester dans l’Histoire. Un poste pour continuer à côtoyer les très grands de ce monde. Si cela devait continuer, on pourrait d’ailleurs imaginer Jean-Pierre Raffarin et François Fillon se battre avec Édouard Balladur pour le Quai d’Orsay en 2017.

Hormis la brève transition qu’avait assurée Michel Debré dans le ministère Couve de Murville de 1968 à 1969, ce n’était pas l’usage de la Vème République. Cette pratique était plus courante sous la IVème. Mais à l’époque, le président du Conseil, qui n’avait pas autant de ministres dans son gouvernement, cumulait souvent cette fonction avec le portefeuille des Affaires étrangères. Georges Bidault, Robert Schuman, Léon Blum, Pierre Mendès France ont tour à tour occupé les deux fonctions. Sous la Vème République, le ministre des Affaires étrangères, comme le Premier ministre, doit tout au Président. Ce n’est pas un grand baron de la vie politique. Grand commis de l’Etat, il exécute sans esprit de recul la volonté de l’Elysée. Maurice Couve de Murville, Michel Jobert, Roland Dumas ou Dominique de Villepin étaient de ceux-là.

Jean-Marc Zéro manque d’envergure

Pourtant, Jean-Marc Zéro, comme le surnomme quelques langues perfides, ne peut être comparé à ses illustres prédécesseurs pour plusieurs raisons. Tout d’abord, il n’a pas l’envergure de Laurent Fabius et d’Alain Juppé. Déjà, à Matignon, il était apparu maladroit, emprunté, accusé de mal connaître ses dossiers. Ses erreurs de communication et son incapacité à diriger ses équipes ont provoqué des couacs en série. Arnaud Montebourg, Vincent Peillon ou Cécile Duflot se moquaient bien de ses « recadrages » sans lendemain. La plupart de ses ministres n’ont jamais cessé de le contredire et de bafouer son autorité. En moins de deux ans, à la veille des municipales, il n’était plus en mesure de tenir son rôle de chef de gouvernement. Sa courbe de popularité était aussi abyssale que celle du chômage. Aussi, son arrivée au Quai d’Orsay, moins de deux ans après sa sortie de Matignon, fait davantage office de lot de consolation ou de sinécure que de véritable poste à responsabilités. Mais Jean-Marc Ayrault a d’autres qualités, la bonhomie d’un pré-retraité n’est pas son seul atout.

Sa fidélité à François Hollande a été sans faille.  Et son profil ultra lisse ne peut pas faire d’ombre au président. Un nouveau grand commis de l’État à la Couve de Murville ? Pas vraiment. Sa mission principale pourrait bien être, à quelques mois de la présidentielle, de ne surtout rien faire. De ne pas gêner l’Elysée. Laurent Fabius a souvent éclipsé un président qu’il méprisait. Lors de la COP 21, François Hollande n’a quasiment pas touché de dividendes médiatiques. Il n’y en avait que pour Fabius le nobélisable. Mais Hollande a eu sa revanche et il a recasé Fabius au Conseil constitutionnel pour neuf ans! De quoi voir venir : à sa sortie de la rue de Montpensier, Laurent Fabius aura 79 ans. Et avec Jean-Marc Ayrault dans son fauteuil, François Hollande peut dormir sur ses deux oreilles. Il était inexistant à Matignon, il est transparent au Quai d’Orsay.

Moins anti-russe que Fabius

Certes, Jean-Marc Ayrault a fait entendre une petite musique différente. Finis les grands principes et les grandes déclarations morales : place avec lui à davantage de pragmatisme. Lors de sa visite au Kremlin, l’ancien député-maire de Nantes a quelque peu surpris par ses propos peu amènes sur le nouveau gouvernement ukrainien. Et il s’est abstenu de critiquer la politique russe en Syrie. Il a même invité Vladimir Poutine à l’inauguration du nouveau centre culturel russe de Paris. De même, le nouveau ministre des Affaires étrangères s’intéresse à la Libye où il s’est rendu. Un dossier dont Laurent Fabius s’était complètement désintéressé. Bref, Jean-Marc Ayrault se concentre laborieusement sur les grands sujets de sécurité. Un ministre des Affaires étrangères pourrait-on dire. La diplomatie globale qu’ambitionnait Laurent Fabius, de la COP 21 aux contrats industriels chinois, n’est plus de saison. Ce recentrage ne fait pas d’étincelle, il ne fait pas d’erreurs manifestes non plus. Les initiatives sont prises exclusivement à l’Élysée désormais!

Tandis que du côté de l’opposition, les candidatures multiples commencent à s’étriper à droite comme à gauche, François Hollande peut ainsi apparaître au dessus de la mêlée. Il a le champ libre pour se représidentialiser à l’étranger et s’élever au dessus des turpitudes de la politique intérieure. Par contraste, l’ombre de Jean-Marc Ayrault, dont le manque de charisme l’oblige à communiquer a minima, ne peut que mettre en valeur le chef de l’État. A ceci près que le Quai d’Orsay apparaît comme privé de tout dynamisme. Pendant ce temps, les diplomates ont pour tâche principale de promouvoir une politique étrangère hollandaise sans cap ni vision. Un atlantisme un peu plus mou que sous Fabius. Une diplomatie normale qui traite les affaires courantes. Allez, ça tiendra bien jusqu’en 2017…



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est responsable des questions internationales à la fondation du Pont neuf.

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