Je suis surpris que personne n’ait songé à établir un parallèle entre Ayn Rand et Bat Ye’or. La première a combattu toute sa vie le communisme, la seconde l’islamisme. Juives toutes les deux, elles ont perçu dès leur jeunesse la catastrophe dont étaient porteuses ces religions du Bien.
Ayn Rand a vingt ans lorsqu’elle décide de fuir sans un sou Saint-Pétersbourg pour gagner les États-Unis où elle dénoncera l’imposture qu’est la révolution bolchévique. Bat Ye’or, elle, après avoir passé son enfance en Égypte sera contrainte de s’exiler à Londres en 1956 dans des conditions atroces, de même que quatorze mille juifs déchus de leur nationalité égyptienne, souvent emprisonnés et toujours spoliés. Ce traumatisme l’amena durant ses études en Suisse à se pencher sur la question de la « dhimmitude », c’est-à-dire de la soumission des juifs et des chrétiens exigée en terre d’Islam.
Deux pestiférées
Inutile de dire qu’en France Ayn Rand et Bat Ye’or furent longtemps inaudibles et considérées comme des pestiférées : l’une pour avoir défendu becs et ongles le capitalisme, l’autre pour avoir comparé le nazisme et l’islamisme, ce qui encore il y a peu passait pour une provocation intolérable. Aggravant son cas, Bat Ye’or n’a pas ménagé la Palestine, ni la politique pro-arabe de l’Union Européenne qui conduit immanquablement à ce qu’elle nomme l’Eurabia et dont on peut chaque jour constater les effets. Ce n’est pas un hasard si Michel Houellebecq s’est inspiré de Bat Ye’or, ni si cette dernière n’a pas tari d’éloges à son sujet.
Si le combat mené par Ayn Rand, soutenue à Hollywood par Cécile B. De Mille et King Vidor entre autres, sans oublier Ronald Reagan dont elle fut proche, s’est achevé par la chute du communisme, il n’en est pas de même de celui de Bat Ye’or qui pourrait reprendre à son compte le mot du Prophète Isaïe : « Vox clamantis in deserto » (la voix qui crie dans le désert ). D’autant que le soutien qu’elle a reçu des néo-conservateurs américains, sans oublier le tort que lui ont valu les nombreuses références à son œuvre d’Anders Breivik, ont rendu presque inaudibles en Europe ses propos jugés alarmistes et caricaturaux.
Ellul au secours de la fille du Nil
Rappelons que le premier à l’avoir défendue fut Jacques Ellul et que son Autobiographie politique qui vient de paraître aux éditions Les Provinciales reçoit un accueil inattendu dans la presse. Sans entrer dans le fond du débat provoqué par son livre, il faut lui reconnaître de nombreuses qualités, la première étant son style. Bat Ye’or (« la fille du Nil » en hébreu) nous enchante lorsqu’elle raconte sa jeunesse dans une Égypte cosmopolite qui n’avait rien à envier à l’empire austro-hongrois. Écrivant aussi bien en anglais qu’en français, elle fait preuve d’une curiosité insatiable et parvient, sinon à convaincre, au moins à semer le doute.
Et si elle avait vu juste ? À titre personnel, je serai enclin à le croire. Et c’est pourquoi j’aimerais vous conseiller de lire attentivement l’autobiographie politique de cette vieille dame dont la vision du monde peut gêner certains, mais dont personne ne pourra nier qu’elle repose non seulement sur une expérience vécue, mais sur une vie passée à en comprendre le sens avec une honnêteté intellectuelle hors du commun.
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