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Le message d’espoir du romancier israélien Avraham B. Yehoshua

« La Fille unique » de Avraham B. Yehoshua (Grasset, 2022)


Le message d’espoir du romancier israélien Avraham B. Yehoshua
L'écrivain israélien Avraham Yehoshua (1936-2022), photographié en 2017 Wikimedia Commons

Le grand romancier israélien Avraham B. Yehoshua, auteur de nombreux livres, est mort à l’âge de 85 ans le 14 juin. L’occasion de revenir sur sa vie et son œuvre, alors que vient de paraître en France son roman La Fille unique, aux éditions Grasset.


Depuis toujours engagé en politique dans le camp des colombes, défenseur, avec son ami Amos Oz, d’un processus de paix avec les Palestiniens, sa position avait évolué depuis quelque temps vers la création d’un seul État. Toujours, même s’il critiquait les orthodoxes et habitait la ville libérale de Haïfa, il s’est intéressé à l’influence des religions, y voyant un élément décisif pour la résolution d’un conflit qui, semble-t-il, reste pour l’instant sans issue.

Une famille juive de la diaspora

Ce roman, La Fille unique, met en scène, dans une grande ville du Nord de l’Italie, à l’aube des années 2000, une adorable petite fille nommée Rachele Luzzatto, née dans une famille juive de la diaspora, dont certains membres, comme sa mère ou son grand-père, se sont convertis au christianisme. Son père, en revanche, tient dur comme fer à ses origines hébraïques. Le roman s’ouvre d’ailleurs sur l’interdiction paternelle pour Rachele de participer, à l’école, à un spectacle de Noël pour enfants, où elle aurait tenu le rôle de la Vierge Marie.

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Rachele est un peu la voix derrière laquelle le romancier se dissimule pour poser les questions qui fâchent, révélant les contradictions des adultes prisonniers de leurs préjugés. Rachele serait presque une sorte de Zazie de Raymond Queneau, obsédée, non par le métro, mais par la religion. Elle a l’âge où elle doit bientôt accomplir sa « bat-mitsva », et elle prend cette étape très au sérieux, en suivant une préparation sous la houlette d’un rabbin venu d’Israël.

À quoi sert une religion ?

Tout, dans La Fille unique, converge vers Rachele, centre de l’attention générale, petite fée dans le monde merveilleux de l’enfance. Yehoshua joue à fond cette carte de la naïveté et de la transparence, pour aborder ses thèmes de prédilection. À travers son jeune personnage, il se demande en filigrane, sans jamais insister, à quoi sert une religion, ce qu’elle apporte, si elle est une garantie de bonheur ici-bas. On le sent également sensible à l’attrait du christianisme. Il conçoit presque qu’on puisse sauter le pas, par la conversion. Une autre grande question le hante : est-il possible de conserver son identité juive ailleurs qu’en Israël ? Et puis, si Yehoshua n’aborde pas de front la Shoah, on en perçoit cependant, entre les lignes, le retentissement.

Derrière la légèreté de ce roman souvent espiègle, du moins en apparence, perce une réelle  gravité, ne serait-ce qu’avec la maladie diagnostiquée chez le père de Rachele, une tumeur au cerveau qu’il faudra opérer. Yehoshua a écrit cette histoire en sachant que lui-même était malade, et qu’il allait sans doute mourir bientôt. La Fille unique doit donc être considéré comme un livre-testament, une sorte de fable dans laquelle le vieux romancier s’adresse à la jeunesse de son pays, et lui dessine des perspectives d’avenir.

Le lien entre les êtres humains

Le livre se clôt d’ailleurs par une invocation à la fraternité universelle. Le père de Rachele mourra peut-être, mais Rachele pourra toujours compter sur ses semblables pour faire front, et en particulier sur sa famille. Elle confie à son père ses aspirations : « Non pas un dieu, déclare Rachele, mais un frère, tout simplement, un frère qui restera avec moi lorsque tu ne seras plus là. »

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Chez Yehoshua, il y a ce souci constant de la sollicitude des hommes les uns envers les autres. Rachele, comme tout enfant, est affamée de comprendre le monde. Elle recherche systématiquement le dialogue avec autrui. Son institutrice lui a demandé de lire un vieux livre italien pour enfants, Cuore,d’Edmondo De Amicis (1892). Elle s’y plonge avec délectation, cherchant déjà à en tirer des leçons morales. Cette lecture enfantine préfigure sans doute des lectures ultérieures plus sérieuses, faites là encore dans l’intention de se rapprocher le plus possible de la sagesse, et donc d’une vie plus stable dans une communauté humaine retrouvée.

Avraham B. Yehoshua, La Fille unique. Traduit de l’hébreu par Jean-Luc Allouche. Grasset.

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Jacques-Emile Miriel, critique littéraire, a collaboré au Magazine littéraire et au Dictionnaire des Auteurs et des Oeuvres des éditions Robert Laffont dans la collection "Bouquins".

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