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Avec Obama, un monde sans Bombe


Avec Obama, un monde sans Bombe

Ce Barack Obama est un artiste. À la différence d’un Ronald Reagan dont les prestations cinématographiques ne furent qu’un tremplin à une carrière syndicale et politique longue d’un demi-siècle, il scénarise ses interventions avec un talent digne des meilleurs faiseurs hollywoodiens.

Tout l’art consiste à faire passer une action politique internationale d’un classicisme absolu pour une rupture radicale, et une navigation à vue pour la mise en mouvement d’un grand dessein. Après le discours de Berlin pendant la campagne électorale – sur fond de Porte de Brandebourg et renvoi subliminal au ich bin ein Berliner de John Kennedy, voilà le discours de Prague, prononcé dans un décor Mitteleuropa du plus bel effet.

Dans un tel environnement, on ne peut se contenter de paroles banales, d’un discours petit bras où l’on ferait modestement le bilan d’une réunion UE-Etats-Unis assez creuse, en emballant le tout d’une rhétorique convenue sur les bienfaits d’une relation transatlantique où tout le monde peut trouver son compte.

Chaque intervention solennelle du 44e président des Etats-Unis se doit donc de mériter le qualificatif d’historique, et dans ces premiers mois de son mandat, de susciter, chez les observateurs patentés le commentaire ravi qu’il s’agit d’une rupture radicale avec la politique de son prédécesseur honni. Avec une groupie comme la correspondante du Monde aux Etats-Unis, c’est fastoche : il suffit au président américain de faire tinter à ses oreilles ravies quelques petites phrases de tonalité gaucho-pacifiste pour qu’elle achète le lot sans regarder de trop près le contenu du paquet.

Génial, putain, le coup du monde sans bombe atomique dont il fait la nouvelle frontière de la politique étrangère américaine ! Cette déclinaison du yes, we can ! appliquée à un objectif que personne ne peut, en conscience rejeter sans passer pour un avatar du docteur Folamour, mais dont Obama ne peut ignorer qu’il est parfaitement inatteignable dans un avenir visible, est un leurre parfait pour faire gober au monde une nouvelle stratégie de lutte contre la dissémination nucléaire.

Le vrai message du discours de Prague ne réside donc pas dans l’angélisme de l’aspiration à un monde où l’on aurait envoyé à la ferraille tout l’arsenal atomique, mais dans le marché proposé aux Russes et aux Iraniens. Il est d’une simplicité digne des marchandages entre truands de ce Chicago dont cet Obama est, décidément, un digne rejeton : mon cher Medvedev, si tu nous aides à empêcher l’Iran de se doter de la bombe, on oublie le bouclier antimissile en Pologne et en République tchèque, et on la met en veilleuse sur l’élargissement de l’Otan à l’Ukraine et au Caucase. Et plus tard, pourquoi pas, on se mitonne une petite structure de sécurité collective Russie-Otan qui nous permettrait une cogestion des zones de cinglés où l’on s’est tour à tour emmêlé les pinceaux, comme l’Afghanistan.

Si ça marche (ce qui n’est pas sûr), Obama fermerait ainsi un peu plus la nasse sur les mollahs, tout en leur proposant un dialogue d’égal à égal (on ne rit pas !)

Pour donner le change, on propose un nouveau traité de réduction des armements stratégiques (ce qui est loin de signifier la dénucléarisation générale) et on interdit les essais nucléaires qui ne sont aujourd’hui nécessaires qu’aux pays en passe de franchir le seuil.

Pour le reste, on en revient à la configuration classique de la présence américaine au Proche et Moyen-Orient fondée sur les alliés traditionnels des Etats-Unis dans la région : Turquie, Israël et Arabie Saoudite. Le « mouvement » d’Obama consiste essentiellement à flatter Ankara et Ryad, quelque peu négligés par George W. Bush : aux Turcs on fait l’honneur d’une visite hautement médiatisée, et on promet aux Saoudiens de réintégrer le plan Abdallah pour le règlement du conflit israélo-arabe dans un processus de paix pour le moins ensablé… Si cela n’est pas du bricolage ordinaire de crânes d’œuf du département d’Etat, qui ressortent leurs vieux dossiers des années Clinton et Bush père, je veux bien être affecté à la rue arabe du quai d’Orsay !

L’idée qu’un monde sans arsenal atomique serait plus sûr et moins brutal qu’aujourd’hui est tentante, mais elle est historiquement erronée et politiquement irresponsable. L’équilibre de la terreur des années 1945-1989 a bien évidemment évité une nouvelle déflagration mondiale, et limité l’affrontement planétaire de deux blocs irréconciliables à des guerres périphériques, douloureuses, certes pour ceux qui les ont subies, mais limitées dans le temps et dans l’espace.

Tous les candidats crédibles et possibles au leadership mondial sont aujourd’hui dotés de l’arme atomique, et n’ont pas la moindre envie de s’en défaire. Pour les Etats-Unis, la Chine, la Russie, les intérêts vitaux ne se limitent pas à ce qui se passe à l’intérieur des frontières nationales, et la dissuasion nucléaire est la plus commode et la moins coûteuse en hommes et en matériel. Pourquoi iraient-ils se replacer dans une configuration géostratégique où ils seraient contraints d’exposer leurs soldats contre des entités étatiques « dissuadables » ?

L’Inde et le Pakistan s’empêchent mutuellement d’aller chercher l’autre au Cachemire, et Israël tient en respect des voisins dont les intentions à son égard n’ont rien de particulièrement amical. Pour l’Europe, voir OTAN.

Quant à notre cher et vieux pays, lui ôter sa « dissuasion du faible au fort » au nom d’un peace and love généralisé à l’ensemble de la planète serait aussi stupide qu’inélégant. On n’ôte pas sa vieille pétoire au grand-père qui a fait la guerre. D’abord, elle peut toujours servir à mettre en fuite les voleurs, et puis on a sa dignité.



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