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Pendant ce temps, aux Pays-Bas, «l’union nationale» prend les commandes

Les alliés de M. Wilders ont trouvé un terrain d’entente et entrent au gouvernement. Mark Rutte, battu, est nommé Secrétaire général de l’Otan. M. Wilders est prié de ne plus parler de « grand remplacement »


Pendant ce temps, aux Pays-Bas, «l’union nationale» prend les commandes
La nouvelle ministre néerlandaise de l'Asile et de la Migration Marjolein Faber © John Beckmann/Orange Pictures/Sh/SIPA

Il n’y a pas qu’en France où intellectuels, artistes et politiques de gauche poussent des cris d’orfraie contre l’horreur qu’impliquerait un gouvernement « d’extrême droite ». Aux Pays-Bas également, ils sont dans le plus grand désarroi, le peuple ayant ignoré, lors des élections législatives de 2023, leurs consignes de vote « anti-fascistes ».


Témoin l’entrée en fonctions, ce mardi 2 juillet, de la très droitière coalition gouvernementale sortie des urnes. Gouvernement qui porte le sceau, mais pas le nom, de M. Geert Wilders. Le champion anti-immigration batave est jugé trop clivant pour être Premier ministre, poste auquel son succès électoral lui donnait cependant droit. « Voici le gouvernement de la honte nationale! » tonna l’autre jour un professeur de l’université d’Amsterdam, Thomas von der Dunk. Et d’énumérer longuement, dans le journal NRC, les dangers qui selon lui planent désormais sur la démocratie néerlandaise. Seraient gravement menacées les libertés d’expression, de la presse, académiques et culturelles. L’indépendance de la justice, l’Etat de droit et les « minorités ethniques » en prendraient aussi pour leur grade, à le croire. Selon M. Von der Dunk, la théorie du « grand remplacement » guiderait les pas du gouvernement du nouveau Premier ministre Dick Schoof,  ancien patron des services de renseignement. Un autre enseignant, de l’université de Leyde cette fois-ci, n’avait pas craint de son côté d’établir un parallèle entre l’ambiance politique aux Pays-Bas et celle régnant dans l’Allemagne de 1933… Une collègue à lui prévoit un régime autoritaire calqué sur le modèle hongrois, pour « preuve » l’amitié entre M. Wilders, dont l’épouse est hongroise, et le Premier ministre hongrois Viktor Orbán… Un autre universitaire encore a relevé des « préférences raciales » dans les posters électoraux du Parti pour la Liberté (PVV) de M. Wilders, « ne montrant que des Néerlandais hyper blancs ». Drôle de reproche pour accabler M. Wilders toutefois, homme de ce qui s’appelait jadis de « sang mêlé », indonésien et néerlandais.

Le « vivre-ensemble » sonné

On a eu beau bien chercher, dans les projets de la coalition quadripartite (PVV-VVD-NSC-BBB), aucune atteinte aux libertés fondamentales n’y figure. Le voudraient-ils, que la Constitution en empêcherait Wilders et compagnie. Le Conseil d’État néerlandais, équivalent du Conseil Constitutionnel, y veillera également. Les surdiplômés en état d’alerte anti-fasciste prennent donc le peuple pour des ignares. Mépris de classe de ce que M. Wilders appelle la gauche aigrie ? Mais ne les moquons pas (trop) et montrons un minimum de compassion envers celles et ceux dont les opinions lénifiantes sur l’immigration furent partagées par une bonne partie des médias néerlandais. Et cela depuis plusieurs décennies, au point que le multiculturalisme et vivre-ensemble imposés prirent l’allure d’une doctrine d’État.

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Avec le gouvernement Wilders-qui-ne-dit-pas-son-nom, il y a effectivement comme un parfum de revanche dans l’air, marqué par la fin de l’hégémonie culturelle de la gauche communautariste et de ses alliés de la droite molle. Celle-ci est personnifiée par le Premier ministre démissionnaire M. Mark Rutte, qui gouverna pendant près de 14 ans d’affilée avant d’être récemment désigné Secrétaire général de l’Otan. Son règne a vu les populations autochtones des grandes villes néerlandaises se réduire comme peau de chagrin au bénéfice d’immigrés non-européens et de leurs descendants, désormais majoritaires. Ce qui avait à plusieurs reprises amené des parlementaires du parti de M. Wilders à fustiger le « grand remplacement », bravant ainsi un tabou dans le petit monde politico-médiatique. Parmi ces politiciens honnis, on trouve… la nouvelle ministre des Migrations et de l’Asile, Mme Marjolein Faber. Laquelle, dans un passé récent et comme députée du parti PVV, avait accusé M. Rutte de ne rien faire contre l’immigration nord-africaine et de dérouler ainsi un « agenda d’antisémitisme, de terrorisme et de grand remplacement de la population néerlandaise ». En néerlandais le mot omvolking, changer de peuple, résume généralement la définition de Renaud Camus. Mme Faber s’était aussi illustrée en dirigeant une manifestation contre le maire de la ville d’Arnhem, M. Ahmed Marcouch, né au Maroc. La nouvelle ministre y déroula une bannière avec les mots « Pas d’Arnhemmistan, on perd notre pays! »

Décidément, la gauche néerlandaise ne cesse d’avaler des couleuvres. Car la nouvelle ministre du Commerce Extérieur et de l’Aide au Développement, Mme Reinette Klever, a, elle aussi, longtemps défendu cette théorie du grand remplacement. Comme parlementaire du PVV, elle s’était en plus distinguée en dressant un hit-parade des étrangers fraudeurs, selon elle, de l’Assurance Maladie. Les gens provenant des Antilles néerlandaises seraient les champions incontestés dans ce domaine, suivis des Marocains, des Turcs et des Surinamais. Etrangers qui, avec d’autres migrants et demandeurs d’asile, coupables de surcroît, selon la désormais ministre, « d’inonder le pays d’un tas de maladies exotiques ». Notons toutefois l’esprit de compromis de la ministre de l’Aide au Développement ! Car cette fameuse Aide, il y a encore quelques années, elle voulait l’abolir pour son inutilité supposée et les possibilités de fraude ou de corruption dans les pays qui en sont les destinataires…

La dernière provocation de M. Wilders

Peu avant leur installation, devant des parlementaires généralement hostiles, Mesdames Klever et Faber avaient pris leur distance avec ce fameux mot, omvolking, à connotation trop sulfureuse voire nazie, le remplaçant par « développements démographiques préoccupants ». Un geste d’apaisement envers des parlementaires constitués en Inquisition linguistique ces derniers temps en Hollande. Le nouveau vent réac soufflant sur les Pays-Bas est personnifié également par le président de la Chambre Basse du Parlement, M. Martin Bosma, l’intellectuel maison du PVV. Ce pourfendeur du « racisme anti-Blanc », quand il était député, voit d’un mauvais œil les cérémonies annuelles autour de l’abolition de l’esclavage dans d’anciennes colonies néerlandaises. Son parti exige d’ailleurs la révocation des excuses officielles pour l’esclavage, prononcées l’année dernière par le roi Willem-Alexander. Pas étonnant alors, que des immigrés des ex-colonies exigèrent et obtinrent que M. Bosma ne fût pas présent le 1er juillet pendant la commémoration de l’abolition, bien que son statut l’y oblige. Pour chambrer les perpétuels indignés du passé colonial néerlandais, M. Wilders proposa sur X de remplacer M. Bosma, et de prendre la parole lors de la cérémonie à Amsterdam… Ce qui aurait sûrement dégénéré en émeutes dans la capitale, qui compte un vaste quartier noir. M. Wilders devra s’abstenir de pareilles provocations à l’avenir, s’il tient à maintenir unie « sa » coalition, laquelle a promis de mener « la plus stricte politique d’asile et immigration jamais vue aux Pays-Bas ». Son parti a comme partenaires les libéraux conservateurs du Parti Populaire pour la Liberté et la Démocratie (VVD), les chrétiens-démocrates du Nouveau Contrat Social (NSC) et le Mouvement Citoyens-Paysans (BBB). Une députée du VVD a clamé quelques jours avant de prêter serment comme ministre qu’elle « ne tolérerait plus aucune allusion » au fameux grand remplacement. Elle menaça ainsi implicitement M. Wilders d’une crise… de colère, de larmes ou de gouvernement. Ce n’était pas très clair.



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Journaliste hollandais.

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