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Aux larmes etc.

Mort d’une idole, Jane Birkin (1946-2023)


Aux larmes etc.
Jane Birkin à Deauville en 1985 © BENAROCH/SIPA

La star Jane Birkin, dont la carrière est indissociable du grand Serge Gainsbourg, nous émouvait avec sa voix, et nous faisait rire au cinéma. La plus française des Britanniques est morte ce dimanche, à Paris. Hommage.


« Signalement yeux bleus, cheveux châtains, Jane B, tu dors au bord du chemin une fleur de sang à la main. » Jane B. vient de nous quitter en ce 16 juillet à l’âge de 76 ans. Il me semble que la tristesse des Français est unanime. L’émotion est palpable sur les réseaux sociaux : « je pleure », peut-on même y lire. « Inimaginable de vivre dans un monde sans ta lumière » a écrit Etienne Daho sur Facebook. Il avait magnifiquement produit son dernier album, son testament : Oh pardon tu dormais, en 2020. « Jane Birkin était une icône française », avance Emmanuel Macron.

Indissociable de Serge Gainsbourg

La petite Anglaise, indissociable de Serge Gainsbourg, qui a sans doute écrit pour elle ses plus belles chansons, de Baby alone in Babylone jusqu’à Fuir le bonheur de peur qu’il ne se sauve, a toujours fait partie de nos vies. Elle instaurait une proximité avec le public, elle se racontait volontiers : son enfance anglaise à l’ombre de sa mère, actrice, et de son père, héros de la deuxième guerre, son héros à elle également, elle qui se considérait comme le mouton noir de sa famille : « Je prends trop de place, même pour moi, je prends trop de place », chante-t-elle ainsi dans son dernier album, le plus personnel, et dans lequel elle utilise enfin ses propres mots, et non plus ceux de Serge. Elle osait, au soir de sa vie, mettre à distance son Pygmalion, celui qui la fit naître une seconde fois, mais qui fut sans doute un peu trop étouffant ; elle voulait tant être à sa hauteur, ne jamais le décevoir. « Je voulais être une telle perfection pour toi » chante-t-elle dans le titre éponyme qui figure sur son dernier album. 

De Serge Gainsbourg, elle parlait avec une infinie tendresse ; elle aimait évoquer des anecdotes du début de leur rencontre, car c’est avec ses maladresses que ce génie de la chanson avait réussi à la conquérir ; en lui marchant sur les pieds lorsqu’ils dansaient ensemble, ou, en louant, fou de jalousie lorsqu’elle tournait dans La piscine avec Delon, une Rolls avec chauffeur (Serge Gainsbourg ne passa jamais son permis) pour la rejoindre sur le tournage, et épater la galerie… 

Une voix souvent moquée

Et puis, il fit d’elle Melody Nelson, il lui offrit Je t’aime moi non plus, chanson qu’il avait initialement écrite pour Bardot, et des perles plus méconnues comme Le canari est sur le balcon, l’histoire d’une jeune fille qui met la cage de son canari sur le balcon avant d’ouvrir le gaz. Beaucoup ont moqué sa voix, prétendant qu’elle ne savait pas chanter. Cette voix qui monte dans les aigus, un peu tremblante mais qu’elle avait appris à maîtriser avec le temps, elle la doit également à Serge Gainsbourg, qui lui avait demandé de chanter comme un petit garçon dans une chorale. 

La première vocation de Jane Birkin était de faire l’actrice. Elle rencontra d’ailleurs Gainsbourg sur le tournage de Slogan, film mineur de Pierre Grimblat, où elle remplaçait Marisa Berenson au grand dam de Serge, qui qualifia la petite Anglaise de « boudin ». Il fit cependant tourner son « boudin », dans Je t’aime moi non plus, film étrange, inclassable, à la fois poussiéreux et lumineux. De ce film nous retenons surtout la sublime chanson Ballade de Johnny Jane et son texte à fleur de peau, qui nous rappelle à quel point l’amour est fragile et douloureux mais « que le temps ronge l’amour comme l’acide »…

Jane possédait une véritable vis comica, qu’elle exploita à merveille dans La moutarde me monte au nez, de Claude Zidi, avec Pierre Richard. Dans les années 80, elle rencontre Jacques Doillon, qui devient son compagnon et qui fait d’elle une actrice à la fois tragique et fragile, notamment dans La fille prodige. Mais, à mon sens, c’est au théâtre qu’elle fit des étincelles, Jane Birkin avait le sens de la scène, elle savait s’en emparer, sa présence était palpable. En 2007 au théâtre des Amandiers, sous la direction de Patrice Chéreau, elle campe une Electre très émouvante et au bord du gouffre. 

Voilà, maintenant notre petite Anglaise va pouvoir retrouver dans les étoiles sa fille Kate, disparue tragiquement un soir d’hiver 2013. So long Jane.




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est enseignante.

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