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En Autriche, le FPÖ veut interdire « l’islam fasciste »


En Autriche, le FPÖ veut interdire « l’islam fasciste »
Norbert Hofer et Heinz Christian Strache, les deux principaux visages du FPÖ lors d'un meeting à Vienne, octobre 2016. SIPA. AP21982648_000004
Norbert Hofer et Heinz Christian Strache, les deux principaux visages du FPÖ lors d'un meeting à Vienne, octobre 2016. SIPA. AP21982648_000004

Après le grand meeting du Parti de la Liberté de l’Autriche (FPÖ), samedi dernier à Salzburg, on serait tenté de dire que son chef, Heinz Christian Strache, envisage de diriger son groupe de la même manière que son prédécesseur, Jörg Haider, conduisait les voitures : vite et mal. Haider s’était crashé avec une alcoolémie de 1,8 gramme et il n’est pas sûr que la FPÖ s’en sortirait mieux, si elle ne parvient pas à tenir ses promesses. Non pas qu’elles soient mauvaises. En substance, Strache a proposé d’interdire en Autriche « l’islam fasciste » et de bannir les symboles musulmans de l’espace public, suivant les mesures prises à l’encontre du parti et des symboles nazis après la Seconde guerre mondiale. « Mettons un terme définitif à la politique de l’islamisation, sinon, c’est nous les Autrichiens, nous les Européens, qui serons finis. », a-t-il déclaré devant un parterre de conquis-à-la-cause. Le souci ? Comment passer de l’étape « annonce » à l’étape « réalisation », alors que jusqu’à présent si peu a été fait pour empêcher les islamistes de proliférer, y compris à Vienne dont l’adjoint au maire est pourtant issu de la FPÖ.

« Ouvrir une école islamique à Vienne est aussi facile qu’ouvrir un kebab »

La communauté musulmane en Autriche compte, selon les statistiques, entre 500 000 et 600 000 membres, autrement dit quelques 6% de la population. Elle atteindra le seuil de 10% aux alentours de 2030. Et qui dit « croissance » dit éducation des enfants, dont une grande partie fréquente les établissements communautaires avec enseignement de l’islam en classe. Si la FPÖ cherchait réellement à stopper l’islamisation et non pas à gonfler son électorat en vue des législatives de 2018, elle aurait sans doute pris plus au sérieux les rapports qui pointent la mainmise des salafistes et des islamistes politiques sur les écoles maternelles. A cet exemple, l’étude publiée en février 2016 par l’Université de Vienne, souligne la démarche intentionnelle d’isoler les enfants musulmans d’un environnement basé sur les valeurs occidentales, à travers l’usage de manuels qui les rejettent explicitement. Un constat corroboré par les résultats d’une enquête menée sous la direction d’Ednan Aslan, professeur à l’Institut d’Etudes islamiques à Vienne et dont la conclusion reste sans appel : « Ouvrir une école islamique à Vienne est aussi facile qu’ouvrir un kebab ». La preuve en est qu’aussi bien les Frères musulmans que leur équivalent turc, Milli Görüs, en possèdent plusieurs dans la capitale autrichienne. En outre, déclarer dans une vidéo son soutien à la guerre en Syrie et exprimer le souhait d’une prompte conversion de tous les Européens à l’islam, n’a pas empêché un membre des Frères musulmans de continuer à diriger une école à Vienne. Il semblerait que la ferveur religieuse corresponde parfaitement avec les attentes des parents, comme le révèle l’enquête d’Aslan : « La majorité des parents compte sur l’apprentissage des sourates par cœur et mesure le niveau de l’école par rapport au nombre des sourates déjà appris. On constate la même attitude par rapport à l’initiation à l’alphabet arabe ». De ce fait, on sera moins étonné que seulement 71 des 151 écoles maternelles islamiques à Vienne ont accepté de faire l’objet de l’enquête. Certes, le maire-adjoint FPÖ de Vienne, Johann Gudenus, s’en est ému et a même exigé une session parlementaire dédiée à la question, mais sur le terrain rien n’a changé. La ville de Vienne dépense chaque année près de 30 millions d’euros en subventions destinées aux écoles islamiques privées.

Que la FPÖ montre ses muscles lors des rassemblements politiques, ne gêne pas non plus les prédicateurs de rue qui s’installent avec des étalages de Corans dans les zones piétonnes des grandes villes autrichiennes. Sebastian Kurz, ministre des Affaires étrangères et de l’Intégration, issu de la chrétienne-démocrate ÖVP, a réclamé la révision de la loi afin de permettre de combattre plus efficacement les radicaux islamistes. A n’en pas douter, ces derniers doivent en trembler d’effroi. Surtout après les révélations de la presse autrichienne qui ont démontré que la campagne de distribution de Corans a été orchestrée par Mirsad Omerovic, un terroriste islamiste passé par la case prison après avoir recruté et envoyé en Syrie deux adolescentes de 15 et de 17 ans. Jusqu’à preuve du contraire, ce ne sont pas de nouvelles lois mais le travail de l’ombre de la brigade anti-terroriste qui a rapporté des fruits. En Allemagne, le groupe islamiste autoproclamé La Vraie Religion a été ainsi démantelé, après les perquisitions menées dans plus de 200 appartements privés. Active également en Autriche, La Vraie Religion y prospère toujours, attendant le durcissement des mesures législatives.

« Dans les mosquées européennes contrôlées par la Turquie on prône la stricte séparation d’avec les valeurs individualistes de l’Occident »

Au lieu d’interdire sur le papier « l’islam fasciste », ne serait-il pas autrement plus utile de mettre fin à l’opacité – en Autriche comme ailleurs en Europe – de toutes sortes de dits « conseils du culte musulman » dont on a tant espéré mais finalement rien obtenu de concret ? Comment se retrouver dans les conceptions officielles et officieuses de l’islam représentées par la Communauté religieuse islamique en Autriche (IGGiÖ), l’équivalent du Conseil français du culte musulman ? Son nouveau président, Ibrahim Olgun, diplômé de théologie islamique à l’Université d’Ankara est en principe, et selon ses propres affirmations, censé alimenter le « dialogue interreligieux » et « bâtir des ponts » entre son pays d’origine, la Turquie, dont sont issus majoritairement les musulmans autrichiens, et son pays d’accueil. On pourrait toutefois se demander de quels « ponts » il s’agit en réalité. Car Olgun fait également partie de l’ultra-influente, et financée par Ankara, Union turque et islamique pour la Coopération culturelle et sociale avec l’Autriche (ATIB), qui gère près de 60 mosquées en Autriche dont tous les imams sont citoyens turcs. Selon Ralph Ghadban, spécialiste de la Turquie officiant à l’Université de Berlin, le vrai rôle de l’ATIB est d’installer en Autriche la version de l’islam promue par le gouvernement d’Erdogan et qui viserait à empêcher l’intégration de la diaspora turque. « Dans les mosquées européennes contrôlées par la Turquie on prône la stricte séparation d’avec les valeurs individualistes de l’Occident », insiste Ghadban. Une autre fonction d’Olgun confirmerait ce constat. En tant qu’inspecteur de l’instruction religieuse islamique, il veille à ce que les enfants musulmans en Autriche apprennent un islam compatible avec les standards et les volontés du gouvernement turc. Question : la FPÖ qualifierait-elle ses agissement d’emblématiques d’un « islam fasciste » ou pas ? Et si c’est le cas, de quelle façon envisagerait-elle de les interdire ? En désignant elle-même le représentant des musulmans autrichiens ? Il sera difficile de prouver qu’Olgun couvre « l’islam fasciste » alors même qu’il est à l’origine de l’initiative de la Journée des Mosquées ouvertes, qui engage une partie des 350 salles de prières autrichiennes à recevoir le public non-musulman le vendredi.

Excepté les groupuscules radicaux et terroristes, n’importe qui approuverait la belle détermination de la FPÖ à éradiquer « l’islam fasciste ». Mais le plus dur reste à faire, à commencer par définir ce qui est, à l’intérieur de l’islam et de sa pratique, « fasciste » ou pas : une femme voilée ? Et voilée à quel degré ? Un prêche en langue étrangère ? Même s’il est « pacifique » ? Une maternelle confessionnelle ? Il en existe aussi des catholiques et des juives. Le prosélytisme ? Les Hare Krishna s’y adonnent également… Ne soyons pas bêtes, direz-vous, nous savons très bien de quoi il s’agit. Justement, il ne s’agit plus de le « savoir », mais de le préciser et de le prouver, ce qui n’a, au contraire, rien d’évident. Sans oublier les bonnes âmes, qui nous rappellerons charitablement que les mesures antinazies votées après la Seconde guerre en Autriche n’ont pas chassé tous les sympathisants d’Adolf des cafés viennois.



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Paulina Dalmayer est journaliste et travaille dans l'édition.

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