Madame la ministre,
Je m’adresse à vous en votre qualité de ministre de tutelle de l’audiovisuel public. Depuis que vous avez pris vos fonctions, en mai 2012, vous avez fait de la défense de la liberté d’informer une priorité de l’action de votre ministère. Mieux, vous ne vous limitez pas, en la matière, à des pétitions de principes, puisque vous allez, dans un proche avenir, défendre devant le parlement, une loi qui mettra, on l’espère, un terme définitif au flou législatif concernant la protection des sources des journalistes. À l’occasion d’affaires récentes, le gouvernement auquel vous appartenez a montré qu’il rompait avec une détestable tradition, celle de faire obstacle, par tous les moyens à sa disposition, à des révélations, par des organes de presse, de faits délictueux et moralement condamnables commis par des hommes au cœur du pouvoir.
C’est pourquoi vous ne pouvez rester insensible à la chasse aux sourcières menée, au sein de France Télévisions, contre notre confrère Clément Weill-Raynal, journaliste en charge des affaires de justice au sein de la rédaction nationale de France 3. Celui-ci fait actuellement l’objet d’une procédure disciplinaire diligentée contre lui par la direction de la chaîne, à la demande du syndicat SNJ-CGT de France 3. Son crime ? Avoir, le 5 avril dernier, filmé avec son téléphone portable ce maintenant fameux « mur des cons » installé dans ses locaux par le Syndicat de la magistrature. Ces images ont été diffusées sur le site d’information Atlantico, provoquant dans le pays une émotion justifiée, et une réprobation non moins justifiée des pratiques de cette organisation syndicale de magistrats, classée à gauche. Nombre de vos collègues du gouvernement, y compris la Garde des Sceaux, ont condamné ce manquement à la réserve et à la dignité de la part de magistrats à qui la nation confie la charge de juger tout le monde, y compris les « cons » cloués au pilori par les syndicalistes du SM.
Aujourd’hui, c’est celui par qui le scandale est arrivé qu’un syndicat dont vous connaissez parfaitement le pouvoir de nuisance corporatiste veut faire payer le discrédit tombé sur une organisation idéologiquement proche. Le SNJ-CGT n’en est pas à une contradiction près. En effet, il accuse Clément Weill-Raynal d’avoir « sali l’image de France 3 » en « volant des images » dans les locaux du SM, et en les laissant diffuser sur le web. Or, en 2008, ce même syndicat avait défendu avec la dernière énergie les journalistes de France3 soupçonné d’avoir volé des images de Nicolas Sarkozy tournées à son insu avant son entrée sur le plateau d’une émission de cette chaîne. L’enquête interne diligentée pour connaître les responsables de la fuite n’avait pas abouti : l’omerta imposée par la CGT avait rendu impossible la découverte des responsables. Avec Clément Weill-Raynal, ces nobles principes ne valent pas : tous les moyens sont bons pour abattre un journaliste réputé proche de la droite républicaine, y compris la délation, et l’appel à peine déguisé au licenciement.
Madame la ministre,
Vous avez fait la douloureuse expérience, au cours de votre vie politique, du sectarisme borné et destructeur de « camarades » qui ne veulent voir qu’une seule tête dans un parti se réclamant pourtant de la défense intransigeante des libertés publiques. Il avait suffi, en effet, que vous vous proclamiez « sioniste pro-palestinienne » pour que les Verts, auxquels vous avez appartenu jusqu’en 2006, jettent sur vous une fatwa équivalente à une mort politique. Vous avez quitté ce parti plutôt que de vous soumettre à ces pratiques néo-staliniennes.
Devant le mauvais procès qui est aujourd’hui intenté à Clément Weill-Raynal, il serait dramatique que la tutelle reste silencieuse. Cela ne vous ressemblerait pas.
*Photo : Capture d’écran France 3.
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