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Audiard en lettre Capitale


Audiard en lettre Capitale
Michel Audiard, Paris, 1979. SIPA. 00775066_000001
Michel Audiard, Paris, 1979. SIPA. 00775066_000001

Tout le monde n’a pas eu la chance de naître dans le XIVème arrondissement. L’Air de Paris donnait de la légèreté aux répliques et le détenteur d’une casquette à carreaux s’avérait être, de facto, un as du stylo. A cette époque-là, se prévaloir d’un lien de parenté avec un acteur, sortir d’une grande école de cinéma ou pétitionner à tout-va étaient de vrais freins à la carrière. On se méfiait du piston comme des galons, les talents se puisaient au fil de la Bièvre. Si vous aviez eu la chance de fréquenter la Communale de la rue du Moulin-Vert, de servir la messe comme enfant de chœur à Saint-Pierre-de-Montrouge vers Alesia et que votre terrain de jeu avec les copains se nichait dans le Parc Montsouris, vous étiez l’élu du box-office.

Un Parisien pure souche dont le pavé était l’indépassable horizon

Quelles plus belles humanités pour un garçon que de s’imprégner quotidiennement d’un Paname encore protégé de la folie destructrice. Si, en plus, vous aviez en pogne un CAP de soudeur, les Champs-Elysées s’ouvraient à vous : sportives italiennes, contrats à sept chiffres, lettres majuscules en haut de l’affiche et actrices en pamoison à la seule vue de votre calvitie. Avant de se mettre au vert, du côté de Dourdan, Michel Audiard (1920-1985) demeura un Parisien pure souche dont le pavé était l’indépassable horizon. De cette enfance populaire, il en a tiré une verve bistrotière. Et ses lectures érudites lui ont permis de réécrire, à sa façon, narquoise et nostalgique, la mythologie d’une capitale sous cloche. Philippe Lombard vient de sortir aux éditions Parigramme : Le Paris de Michel Audiard – Toute une époque ! . Un vade-mecum qui retrace l’épopée audiardesque de la Porte d’Orléans à l’avenue George-V, qui recense les lieux de tournage et, plus généralement, tous les endroits intra-muros que le scénariste-réalisateur-écrivain a foulés durant sa vie. « Le Paris d’Audiard est donc celui d’avant-guerre, d’avant les désillusions sur la nature humaine, le Paname des bistrots du coin, des bougnats, des Halles… » avertit l’auteur, en guise d’amuse-bouche.


Michel Audiard 1/6 par alcyon12

Cap vers la Rive Gauche de Paris

Ça commence non loin de Denfert, dans cette Rive Gauche jadis plébéienne et gouailleuse, qu’Audiard n’hésitait pas à dézinguer. « On a les monuments les plus laids de Paris » avançait-il, pour souligner la tranquillité du quartier. A l’entendre, un repoussoir à touristes. Le Lion de Belfort lui inspirait des aigreurs d’estomac, le qualifiant même de « crapulerie de bronze ».  Il était plus tendre avec le marché du boulevard Edgar-Quinet et la rue de la Gaîté. Inscrit à l’Union Vélocipédique du XIVème, le p’tit cycliste fit la connaissance d’André Pousse, un seigneur du Vel d’Hiv, et entra à jamais au royaume de la petite reine. On se promène avec Audiard dans une ville occupée par les allemands avec son lot de malheurs : l’exode, le marché noir, la délation, la nécessité de trouver à manger et d’échapper au STO. Cette période sombre s’achèvera par une Libération au goût tout aussi amer, l’épuration sauvage et le lynchage à mort de Myrette, une môme du quartier, lui donnèrent à jamais la nausée. En un tour de piste, le livreur de journaux se retrouve critique cinéma, puis virtuose du scénario sous l’œil d’André Hunebelle. Il est temps de quitter le populeux XIVème pour arpenter le Triangle d’or. Le monde du cinéma tourne autour du Fouquet’s. Les « Premières » se déroulent au Balzac et les affaires se signent dans les palaces alentour. Le poulbot s’est bien acclimaté au luxe. Il a pris possession de la chambre 102 à l’Hôtel de la Trémoille, il y écrit désormais et reçoit ses amis de passage. Patrick Modiano ou Jean Carmet lui rendent visite.

Ce petit guide fort bien illustré fourmille de références et répertorie de nombreux « sites cinématographiques » (maisons closes, commissariats, hippodromes, etc…) ainsi que les professions parigotes prisées par Audiard à l’écran (taxi, truands, policiers, filles de rue, etc…). Saviez-vous, par exemple, que l’accident de solex, en ouverture de « Tendre poulet », comédie de Philippe de Broca qui oppose Philippe Noiret et Annie Girardot a été filmé à l’angle de la rue de Poitou et de la rue Debelleyme dans le Marais ?

« Le Paris de Michel Audiard – Toute une époque ! » de Philippe Lombard – Editions Parigramme – 180 photographies et documents.

Le Paris de Michel Audiard

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Journaliste et écrivain. À paraître : "Tendre est la province", Éditions Equateurs, 2024

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