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Immigration, féminisme, écologie: le manuel de la bonne pensée

Comment briller en société, par Juliette Binoche et ses amis


Immigration, féminisme, écologie: le manuel de la bonne pensée
Juliette Binoche à Cannes, mai 2017. SIPA. AP22056258_000063

Vous voulez briller en société et vous laver de vos péchés ? Faites comme Jacques Audiard ou Juliette Binoche: défendez les femmes ou lancez un « appel pour sauver la planète ».


Si vous êtes célèbre – ou journaliste à France Inter – et que vous voulez montrer votre belle âme et votre grand cœur (ou l’inverse), trois boulevards médiatiques s’offrent à vous.

Avec le temps…

Le plus simple, mais aussi le plus fréquenté, le b.a.-ba du Bien en quelque sorte, consiste à clamer devant tous les micros qui se tendront que vous êtes contre la mort des enfants et par conséquent pour l’accueil de tous les migrants, puis à appeler cela l’humanisme. Pas dans votre jardin certes, mais ceci est un détail. Quant aux problèmes d’intégration grandissants qui menacent d’aggraver les fractures identitaires françaises, comme l’a décrété un journaliste de France Inter : « Avec un peu de temps et de bonne volonté, tout finira par s’arranger » – version dégradée du théorème du Dr Queuille : « Il n’est pas de problème qu’une absence de solution ne finisse par résoudre. » Bref, si vous n’avez pas de mains, au moins sont-elles blanches.

Le sexe des anges

Deuxième front très apprécié des people et des grandes consciences, la défense des femmes, promues en quelques mois à l’honneur discutable d’espèce menacée et protégée. Marcel Gauchet montre pourtant de façon lumineuse dans le numéro d’été du Débat que la véritable révolution, que nous vivons sans la voir, n’est pas la déferlante pleurnicheuse balancetonporc/metoo mais la fin de la domination masculine. Qu’il y ait des abus, des agressions, des viols et des histoires familiales pourries et, pardonnez-moi l’expression, indémerdables est un fait – et un bon nombre, quoique trop faible, de leurs auteurs méditent leurs forfaits en prison. Il n’en est pas moins vrai que la norme qui faisait de la femme un humain moins égal que l’homme a été pulvérisée. Cette bonne nouvelle n’est pas parvenue à Hollywood ni sur la rive gauche de la Seine où l’on s’efforce de vendre le conte d’une condition féminine oscillant entre l’abomination et la désolation. À l’occasion de la Mostra où il présente Les Frères Sisters, Jacques Audiard s’indigne que la sélection officielle ne comporte qu’un film de femme sur vingt-deux et qu’aucun festival ne soit présidé par une femme. Les films n’ont pas de sexe, ils sont bons ou mauvais, réplique en substance le président du festival vénitien. Encore un qui n’a rien compris. Dans la course au pompon de la victimisation, admettre que les femmes ne sont pas toujours, ni même majoritairement (en Europe tout cas), maltraitées voire qu’elles peuvent aussi être de fieffées empoisonneuses, au propre et au figuré, c’est se signaler comme un affreux macho, autant dire un violeur en puissance.

Juliette Binoche, dernière star avant la fin du monde

Un clou chasse l’autre et, en cette rentrée, la planète semble avoir arraché aux femmes le titre convoité de victime numéro un. Une question par définition consensuelle. Nul ne se revendique comme un saccageur de la Terre ni même comme un cynique égoïste se foutant éperdument de ce qui viendra après lui, peut-être l’espèce humaine est-elle devenue bonne ? En tout cas, ne pas adhérer à la cause écolo, en particulier à la lutte contre le réchauffement climatique, c’est se signaler comme un ennemi du genre humain. Sur un ton à la fois apocalyptique et prétentieux, une cohorte de vraies stars, de Juliette Binoche, qui a lancé l’affaire, à Alain Delon, de Patti Smith à Charles Aznavour, lancent en une du Monde un « appel pour sauver la planète » où ils somment le pouvoir politique d’agir face « au plus grand défi de l’histoire de l’humanité » – rien que ça. Il est vrai que la question climatique et écologique doit être traitée – et elle l’est, comme toutes les choses politiques le sont, imparfaitement. Mais ces appels au grand soir vert teintés de catastrophisme bon marché ne servent rien d’autre que la belle image de leurs auteurs. Face au lyrisme du désastre, on préfèrera la réponse mesurée de Marc Fontecave, professeur au Collège de France, qui leur répond toujours dans Le Monde : « En matière de système énergétique et de comportements humains, les changements possibles ne sont pas de nature révolutionnaire. La tâche est colossale et les transformations souhaitées occuperont plusieurs générations. L’éveil des consciences à ces enjeux énergétiques, climatiques et environnementaux, compliqué par la très grande diversité des situations économiques, sociales et culturelles de chacun, demande une pédagogie ouverte et un optimisme dans l’homme, pour l’essentiel absent des discours des représentants de cette idéologie environnementale. » En conséquence, le scientifique plaide pour la politique des petits pas dénoncée par Hulot, et par tous ceux qui ont voulu profiter du bénéfice symbolique de sa démission, comme le comble de la lâcheté.

Bref, en cette rentrée nous voilà plus que jamais dans les griffes des humanistes, pour reprendre le titre d’un beau livre de Stanko Cerovic. Et à voir défiler en rangs serrés ces bataillons du Bien, guerroyant de bonne cause en bonne cause, une chose est claire : le manichéisme, voilà l’ennemi.



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Fondatrice et directrice de la rédaction de Causeur. Journaliste, elle est chroniqueuse sur CNews, Sud Radio... Auparavant, Elisabeth Lévy a notamment collaboré à Marianne, au Figaro Magazine, à France Culture et aux émissions de télévision de Franz-Olivier Giesbert (France 2). Elle est l’auteur de plusieurs essais, dont le dernier "Les rien-pensants" (Cerf), est sorti en 2017.

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