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Au PS, la danse du voile continue


Au PS, la danse du voile continue
George Pau-Langevin.
George Pau-Langevin
George Pau-Langevin. Photo Marie-Lan Nguyen / Wikimedia Commons.

L’inénarrable députée socialiste George Pau-Langevin publie, sous le titre « La burqa dévoile un malaise profond », un billet affirmant notamment : « Les femmes portant le voile intégral nous adressent un message et nous avons le devoir de le décrypter », et comparant leur attitude à celles des Noirs américains qui portaient leurs cheveux longs et crépus dans les années 1970.

Cette bonne dame est la vivante incarnation d’une gauche morale incapable de renoncer à ses obsessions vertueuses qui ont nom tolérance-à-l’égard-de-l’autre et écoute-de-la-différence-qui-nous-enrichit.

Il est vrai que les femmes intégralement voilées ne contribuent pas, à première vue, à susciter ce bel élan d’empathie, d’« ouverture à l’autre », tant le chemin qui permettrait d’y avoir accès semble irrémédiablement barré. L’absence de visagéité rend très délicat ce déploiement vers l’autre, même pour le lecteur de Levinas.

[access capability= »lire_inedits »]Sa prise de position, si elle doit gêner plus d’un faux-cul et plus d’un hiérarque de la rue de Solferino, a au moins le mérite de lever un coin du voile sur cette mortelle ambivalence qui caractérise le Parti socialiste sur bien des sujets réputés « sociétaux ».

En dépit des contorsions reptiliennes déployées par nos champions du double-lien pour paraître l’approuver au nom du droit des femmes tout en émettant des réserves sur le bien-fondé d’une interdiction de portée générale, la question du voile intégral résume à merveille les difficultés de la gauche avec l’idée de la règle comme avec le concept de loi.

La gauche a du mal avec l’interdit. D’accord, nous dit-on, parce que c’est une atteinte à la dignité des femmes, mais faites que cette interdiction soit la plus diluée, la plus restreinte dans ses champs d’application. Si l’interdiction doit être atténuée par de multiples dérogations, pourquoi accepter dans ce cas le principe d’une loi qui doit être, si j’ai bien compris, inspirée et éclairée par le critère de l’intérêt général ?

Etre contre, évidemment, ça craint d’autant plus que l’électorat y est massivement favorable. Il faut faire semblant d’être pour, mais pas en toutes circonstances. Pour la cohérence vous repasserez.

Certes, le PS a fini par annoncer qu’il ne s’opposerait pas au texte et qu’il ne saisirait pas le Conseil constitutionnel. C’est Jean-François Copé qui a finalement annoncé qu’il solliciterait l’avis de la rue de Montpensier. On est en droit d’espérer que, sur un tel sujet, le bon Jean-Louis Debré se montrera magnanime, mais on ne sait jamais ce que feront les « Sages » en ces temps caniculaires.

Pourtant, le sujet socialiste reste désespérément clivé. D’un côté, la gauche condamne le port du voile au nom de la dignité des femmes ; de l’autre, elle renâcle à interdire clairement en tout lieu cette manifestation agressive d’un islamisme de conquête qui s’emploie à modeler l’espace public à l’aune de ses propres exigences.

La moraline est toujours prête à servir. Dans le cas de la regrettable George-Pau, nous voici sommés d’écouter le message des femmes-corbeaux. Mais quel est-il ? Faudrait-il y voir la manifestation d’une revendication identitaire qui se verrait contrainte de recourir à la surenchère face à notre autisme républicain consistant à faire prévaloir une neutralité sadique qui n’aurait de cesse de brider les subjectivités ?

Burqa is beautiful ?

Serait-ce l’expression voilée d’une révolte contre cette négation de l’être musulman lourde de mépris néocolonial, une revanche face à notre islamophobie ontologique énoncée de manière paradoxale ?

Mme Langevin s’emploie même à comparer leur attitude vestimentaire à celles des Noirs américains qui portaient « leurs cheveux longs et crépus dans les années 1970 ». Que voilà une bien étrange comparaison !

Convenons en effet qu’une Tina Turner court vêtue était quand même plus désirable que ces sombres dames, peu comparables aux jeux scéniques très suggestifs de ladite chanteuse. Après le label de la Tamla Motown, voici venu le temps de celui de la burqa. Pas sûr que ce soit aussi facile à danser que les Temptations ou Marvin Gaye. Pas sûr que les corps exultent sous cette étrange parure qui consacre une interprétation fondamentaliste du total look. Il n’y aura pas de « Burqa is beautiful ».

Il faut donc être sacrément allumé pour comparer le port de burqa à celui de la coupe afro des années 1970.Reste que le raisonnement sous-jacent mérite, pour le coup, d’être décrypté. Quand les minorités sont accablées sous le fardeau des discriminations, elles n’auraient d’autre choix que de sacrifier aux rituels de l’auto-affirmation. Mme Langevin feint d’oublier que le mouvement pour les droits civiques était initialement placé sous le signe de la revendication de l’égalité et non du droit à la différence. C’est la radicalisation de ce mouvement né dans les ghettos noirs et porté par un courant musical adoré par les petits Blancs qui a accouché d’une deuxième vague dite du « Black power » qui postulait que la tradition constitutionnelle américaine était par essence corrompue et qu’elle avait été élaborée en vue de défendre l’esclavage. Ce n’était plus l’universalité des droits qui était invoquée, mais bien l’identité noire. Dans le sillage de la question noire, le multiculturalisme a favorisé la radicalisation du discours des minorités, jusqu’à la revendication d’un particularisme ethnicisé prônant la dissolution complète de l’universalité.

D’ailleurs la vogue afro-centriste a accouché d’une bien singulière Nation de l’islam, incarnée par un Louis Farrakhan prêchant la croyance en la nature divine de l’homme noir et théorisant un racisme anti-blanc.

Ce que notre grande théoricienne de la diversité souffrante semble ici légitimer, c’est bien le différentialisme des opprimés, et l’assignation à résidence identitaire au nom de la liberté religieuse et de la démocratie « culturelle ». Pour la laïcité, passez aussi votre chemin.

Ainsi la coupe afro et les défilés martiaux du Black Panther Party ne seraient que le premier signe de cette vague des fiertés communautaires qui a submergé notre espace public et médiatique. À ce rythme effréné, les mémoires, comme les fiertés, vont finir par se livrer à une surenchère concurrentielle et dévastatrice. Vous pouvez dire adieu au monde commun de Hannah Arendt. Ainsi George-Pau, madone des minorités opprimées, nous laisserait-elle à entendre que le port d’un tel accoutrement devrait être analysé comme l’habillage de la révolte, la manifestation légitime d’une demande de reconnaissance ? La République n’a plus qu’à aller se rhabiller.[/access]

Juillet/Août 2010 · N° 25 26

Article extrait du Magazine Causeur



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Intermittent de la gouvernance, Gérard Delahaye aime les mots, les idées, les sons, les bars. Il dispose encore de quelques brefs moments d'une lucidité précaire qu'il souhaite faire partager.

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