Un récent papier de l’ami Bennasar nous faisait part du suicide par défenestration d’un homme excédé par les petits cons qui s’amusaient à faire hurler leur mobylette en bas de chez lui. Il était évident dans l’esprit de l’article que la cause directe de ce suicide était le comportement des jeunes comme il est évident dans l’esprit de la Justice, qui vient de mettre en examen son ancien pédégé Didier Lombard, que les suicidés de France Telecom sont morts à cause de méthodes managériales planifiées flirtant consciemment avec le sadisme moral.
Apparemment, en France, comme nous le signalait Cyril Bennasar, on a tendance à retourner la violence que l’on subit contre soi-même. L’homme de Roubaix qui s’est défenestré à cause des voyous a préféré mourir que de prendre une 22 et de faire un carton en bas de chez lui. Les salariés de France Telecom, pour leur part, ont préféré mourir plutôt que de séquestrer les responsables de leur malheur, voire de faire sauter leurs voitures ou de leur tirer dessus comme à l’époque des Brigades Rouges ou d’Action Directe. Reste à savoir si quelqu’un aura le courage, ou l’inconscience, de le déplorer.
Par exemple, a-t-il fait le bon choix, cet allocataire du RSA qui ne le touchait plus depuis le mois de mai pour d’obscures complications administratives et qui s’est immolé par le feu avec du white spirit dans les locaux de la Caisse d’Allocations familiales de Mantes-la-Jolie ? Il a été hospitalisé dans un état très grave avant de mourir à l’âge de 51 ans, il y a quelques jours. Son désespoir vaut bien celui du défenestré de Roubaix. Se foutre par la fenêtre ou s’imbiber de produit inflammable, c’est tout de même des symptômes d’un désespoir difficilement imaginable. Et étrangement similaire, non ?
Quelque chose me dit même que leur vie devait beaucoup se ressembler et que l’un aurait pu être à la place de l’autre, dans la grande déroute de l’Etat-Providence qui ne met plus de policiers de proximité dans les quartiers et d’employés derrière les guichets de la souffrance sociale.
A-t-il eu un comportement de cloporte, cet « assisté » comme disent les gens qui « travaillent » même s’ils touchent comme tout le monde des allocs, qu’elles soient familiales, ou qu’elles concernent l’âge qui vient, le logement, les transports, les rentrées scolaires de leurs enfants ou bénéficient de crédits d’impôts ?
C’est vrai, notre brûlé vif aurait pu faire comme certains étasuniens, très en forme cet été, dans les cinémas, les temples sikhs et les campus texans : revenir avec un flingue et nettoyer par le vide. Ca ne règle rien, il y a beaucoup de sang sur les murs mais apparemment, ça les soulage. Manifestement, dans le pays où l’on condamne à mort et exécute des hommes dont les experts reconnaissent unanimement qu’ils ont sept ans d’âge mental, c’est plutôt de l’ordre du réflexe psychotique que politique, à moins de considérer un survivaliste qui confond un sikh avec un musulman pour un penseur politique et non un gros con.
A mon avis, le problème est davantage de savoir ce qu’il faut accorder comme crédit à des sociétés qui ne laissent comme alternative à ses citoyens que la violence. Celles qu’ils vont exercer contre eux-mêmes à force d’inhibitions ou celles qu’ils pourraient exercer contre les autres, contre ceux qu’ils tiennent à tort ou à raison pour responsables de leurs conditions de vie souvent effroyables.
Et si on réfléchit froidement, c’est à ce genre de choses qu’on s’aperçoit qu’il faut changer de société. Vite. Et si possible pacifiquement.
*Photo : Gran Torino
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